Le syndrome de l’essuie-glace

Rappel anatomique et biomécanique

Le muscle tenseur du fascia lata est un muscle de la ceinture pelvienne qui unit le membre inférieur au tronc. Il s’agit d’un petit muscle, allongé et mince situé sur la face externe et superficielle, en haut de la cuisse. En cela, il se rapproche des muscles fessiers d’autant que la fonction est commune. Cette action est principalement l’abduction de la cuisse (entrainer le membre inférieur en dehors) et accessoirement la flexion de lahanche (entrainer la cuisse sur le tronc).

Les muscles grand fessier et tenseur du fascia lata forment un ensemble qui se nomme le deltoïde fessier. Le grand fessier et le tenseur du fascia lata s’unissent tous les deux sur la bandelette de Maissiat, appelée tractus ilio- tibial. Cette bandelette ou tractus descend tout le long de la cuisse, sur sa face latérale (telle la couture du pantalon) et se termine sur la partie toute supérieure de la jambe, sur le tibia (tubercule de Gerdy).

De ce fait, cet ensemble joue également un rôle dans la stabilisation du genou notamment quand il est fléchi. C’est élément est capital.

La pathologie

Le syndrome du fascia lata ou syndrome de la bandelette ilio tibiale ou syndrome de l’essuie-glace est du à une friction du tractus ilio tibial (tendon du fascia lata) sur l’os (la tubérosité du condyle latéral du fémur), par flexions et extensions répétées du genou. C’est la répétition des mouvements qui est la cause de la douleur.Il s’agit d’une douleur sur la face latérale (externe) du genou. Bien évidemment, beaucoup d’autres diagnostics doivent être éliminés face avec une douleur externe du genou, chez le sportif. Mais la particularité du syndrome du fascia lata est l’apparition de la douleur spécifiquement dans la course à pied. En effet, il n’est pas rare de voir un footballeur qui ne se plaint d’aucune douleur de genou lors de la pratique de son sport et de voir, ce même footballeur, se plaindre de douleurs externes du genou uniquement en faisant du jogging. Cette particularité doit orienter le médecin vers ce conflit typique de la bandelette contre le condyle externe du fémur. C’est essentiellement la course à pied qui est la cause de ce syndrome (le cyclisme, régulièrement cité, n’entraîne que très rarement cette pathologie).

Les douleurs sont généralement très reproductibles c’est-à-dire qu’il s’agit de la même sensation douloureuse, pour le même temps de course à pied. Après l’arrêt de la course à pied, la douleur cesse ou peut persister quelques heures, dans la vie quotidienne, notamment dans les escaliers.

Le syndrome peut parfois être bilatéral

Il s’agit d’une douleur au niveau de la portion terminale du tendondu fascia lata mais il ne s’agit pas d’une réelle tendinopathie. En fait, le tendon est totalement sain. Il s’agit uniquement d’une irritation du tendon, sur le condyle externe du genou, par mouvements répétés. Il s’agit donc d’un conflit tendon – os. Mais le tendon, on le répète, est normal sans anomalie structurelle, fibrillaire, ….

Prenons une comparaison avec le pied et la chaussure : si la chaussure est trop petite, il va exister un conflit pied-chaussure, qui générera une douleur au pied. Mais le pied est sain, il sera « douloureux mais non malade ». C’est exactement la même chose pour le fascia lata, il n’existe pas de lésion tendineuse en son sein comme on peut le voir, par exemple, pour le tendon d’Achille ou le tendon rotulien. D’ailleurs, ce tendon ne casse jamais, donc aucune crainte à ce niveau.Je rassure le coureur à pied qui souffre …

L’examen clinique s’attache surtout à éliminer toutes les autres causes de douleur externe(latérale) du genou. Malgré tout, l’histoire de la douleur (uniquement à la course et pas au football, cf . exemple suscité) et surtout sa reproduction lors de la flexion-extension, en charge, du genou entre 20 et 30°,suffisent souvent à confirmer le diagnostic. Bien évidemment, la liberté de la hanche et du genou est recherchée, l’axe des membres inférieurs (recherche genu varum) n’est pas oublié.

Le syndrome de l’essuie-glace

L’examen clé, pour affirmer qu’il s’agit d’un conflit entre le fascia lata et l’os fémoral, est l’échographie. On l’a dit, il ne s’agit pas d’une lésion chronique du tendon, donc ce dernier est strictement normal, en imagerie. On recherche essentiellement une bursite (poche liquidienne) entre l’os et le tendon. Cette bursite confirme le conflit.

Pour certains auteurs, cette bourse séreuse est isolée et pour d’autres, il s’agit une extension du récessus synovial latérale (petite cavité avec du liquide nourricier du cartilage) de l’articulation du genou. Cette bursite liquidienne peut ne pas être vue en IRM car cet examen est fait genou en extension (la bursite est alors comprimée, donc non visible). L’échographie, faite genou légèrement fléchi, sans appuyer sur la sonde (pour ne pas comprimer le bursite) est un meilleur examen.Il faut toujours faire cette échographie dans les suites immédiates d’un entraînement de course à pied (c’est-à-dire au moment de la douleur) pour bien visualiser la bourse séreuse. Cette poche liquidienne pourra éventuellement être ponctionnée et infiltrée, sous contrôle échographique.

Les causes ?

La grande question est de savoir pourquoi un coureur à pied, du jour au lendemain, sans aucune raison évidente, sans aucune explication rationnelle,débute cette maladie. Il n’est pas rare de rencontrer des marathoniens, qui ont fait une lourde préparation, qui ont couru leur marathon, sans aucune douleur au niveau du genou et qui, après 10 à 15 jours de repos,recommençant la course à pied, développe ce syndrome, avec son cortège de douleur.

Pourquoi ?

Certes,la course à pied est quasiment l’unique responsable de ce syndrome mais son apparition est souvent très fantasque, comme on le voit dans cet exemple classique.

La morphologie d’un sportif change-t-elle du jour au lendemain ?

Sa technique de course change-t-elle brutalement ? …

Comme toujours, il faut rester humblecar aucune étude scientifique ne donne les réponses. On ne sait pas, actuellement, avec certitudes, pourquoi un coureur à pied développe ce conflit ni, d’ailleurs, pourquoi il en guérit (car la guérison arrive toujours).

Il existe, certes, des facteurs de risque qui sont bien repérés, citons :

Les facteurs intrinsèques :

-le genu varum (anomalie des membres inférieurs qui sont « entre parenthèses » ; les genoux qui ne se touchent pas)

-la tubérosité du condyle externe trop volumineuse (déformation osseuse)

-l’axe jambier non aligné (rotation interne ou rotation externe)

-le varus de l’arrière pied (tourné vers l’axe du corps c’est-à-dire en dedans)

- l’inégalité de longueur des membres inférieurs

Mais, on le voit, tous ces facteurs intrinsèques (morphologie acquise dès la fin de la puberté) étaient présents bien avant les douleurs et persisteront après la guérison. Il s’agit, d’ailleurs,de simples anomalies constitutionnelles, très fréquentes, que l’on peut trouver chez beaucoup de sportifs, même chez ceuxqui ne souffrent pas ou ne souffriront jamais du syndrome de l’essuie glace. Donc restons prudents sur les « explications morphologiques »

Les facteurs extrinsèques :

-la raideur du fascia lata

-une dysharmonie entre les adducteurs et les abducteurs de hanche

-une pratique de la course à pied, sur les routes bombées, en courant toujours du même côté

On constate que l’ensemble de ces facteurs de risque (intrinsèques + extrinsèques) ne peut expliquer le début de la maladie. D’ailleurs, il ne s’agit que de facteurs de risque (donc d’hypothèses) et non de causes scientifiquement prouvées.

Un jour, le conflit tendon-oss’installe ;une fois que cette inflammation a commencé, la moindre sollicitation, du même type, la ré-activera. C’est un peu comme le feu dans la forêt, le moindre souffle de vent réactive l’incendie que l’on croyait éteint … mais le feu finit toujours par s’éteindre … le coureur guérira toujours …

Propositions thérapeutiques

Les causes de l’apparition d’un syndrome de l’essuie-glace n’étant pas bien définies, le traitement ne l’est pas plus. Il ne faut pas s’attendre à une solution unique et « miraculeuse » face à cette douleur.

Il faut donc prendre un ensemble de mesures :

- ne pas laisser la douleur s’installer (éteindre le feu dès le début !) ; dés que le coureur à pied ressent une gêne de la face externe du genou, il doit adapter son entraînement :

-courir en terrain plat (pas de montée ou descente)

-courir au milieu de la route (si la chaussée et bombée)

-raccourcir la foulée

-ne pas faire d’entraînement trop long ; s’arrêter avant que la douleur ne devienne trop importante (bien connaître le temps d’apparition de la douleur)

-appliquer de la glace, systématiquement, après la pratique sportive

Ces quelques consignes sont impératives mais le repos sportif strict ne s’impose pas. De plus, on peut s’orienter vers des sports d’appui (tennis, badminton, foot, hand, …).

Bien évidemment, l’apparition des douleurs impose de reconsidérer certains éléments techniques :

1. Les chaussures sont-elles bien adaptées ? Existe-t-il une usure anormale ? Ce n’est pas la cause unique mais la correction d’un trouble statique peut être utile ; il semble logique, bien évidemment,de diminuer le conflit qui existe, en dynamique, entre le tendon et le genou. La prescription d’une orthèse plantaire (semelle orthopédique) peut alors se justifier. Mais j’insiste, il ne s’agit pas d’une solution miracle car il faut toujours se poser la questionsuivante « Pourquoi, avant l’apparition des douleurs, ce trouble statique n’était en rien pathologique ? »

2. Faire des étirements du fascia lata ? C’est illusoire car ce tendon (bandelettes de Maissia) s’étire peu. Malgré tout, il ne faut pas négliger les étirements de l’ensemble des muscles du membre inférieur.

3. Diminuer l’inflammation locale (car il existe bel et bien une inflammation) ? On peut utiliser les anti-inflammatoires sous forme de gel, les anti-inflammatoires en physiothérapie (kinésithérapie), les anti-inflammatoires per os (médicament par la bouche), la mésothérapie, … Le meilleur traitement médicamenteux reste la ponction- infiltration de la bursite qui signe le conflit entre le tendon et l’os (ce geste doit être fait sous contrôle échographique).

4. Quand on a tout essayéet que l’on souffre toujours ? Il faut alors revenir aux fondamentaux de la biomécanique.La douleur est due à un conflit entre un tendon et un os. Mais il ne s’agit pasvraiment d’un problème de statique ; il s’agit d’un problème dynamique. Il faut donc toujours raisonner en dynamique et pas en statique. Ce conflit est très dépendant de l’angle de flexion du genou : plus le coureur à pied fléchit le genou, plus il prend un risque de friction entre le tendon et l’os. Inversement, le coureur qui fléchit peu le genou à moins de risques de déclencher cette irritation,inflammation. On voit bien qu’il faut courir sur terrain plat, en réduisant les foulées (mais en pouvant augmenter leur fréquence). Or les chaussures minimalistes imposent au coureur de raccourcir la foulée : est-ce une solution ? Je ne le sais pas, et aucune étude scientifique ne le dit mais la question mérite d’être posée surtout pour le coureur qui a tout essayé, sans succès.

Conclusion

Le syndrome de l’essuie glace est une pathologie de conflit, tendon-os, essentiellement due à la course à pied (les sports d’appui ne génèrent pas ce syndrome). Il n’existe pas une cause unique mais plutôt un ensemble de facteurs qui déclenchent cette douleur externe du genou. Il faut certainement adapter et personnaliser sa pratique sportive pendant la période douloureuse plutôt qu’attendre une solution médicale ou para-médicale miracle. Les troubles statiques ont souvent « bon dos » alors qu’il s’agit d’un problème dynamique, de répétition, essentiellement.