Le survêt se met sur son 31

On ne vous a jamais vu, dans le Vercors, sauter à l’élastique. En revanche, on vous a repéré au bord des courts de tennis du Sporting à Vichy (Allier), applaudissant aux débuts de Yannick Noah en Coupe de Galéa. C’était en 1978, vous portiez un survêtement Trévois bleu, deux tons, col cheminée, Zip intégral. Puis on vous a aperçu, du côté du Vieux-Port de Marseille, dansant le « mia » « jusqu’à ce que la soirée vacille ». Nous étions en 1993. Vous étiez encore en survêt. Tacchini. Bleu toujours, mais royal. Modèle Masters track, 100 % polyester, lavable en machine.

Il y a fort à parier qu’on vous surprenne, demain, trottinant en Lacoste (réf. WH8006-00, taffetas brillant, poches kangourou) dans les allées cavalières d’un bois périphérique. Pourquoi niez-vous ? Vous avez honte, reconnaissez-le. Car le survêt a mauvaise réputation.

Costume croisé

D’où diable lui vient-elle ? « De son ambiguïté. C’est à la fois le vêtement de la performance et celui de l’oisiveté », répond Marc Beaugé, arbitre des élégances dans les colonnes de M Le magazine du Monde et des débats de société dans celles de Society. « La rue s’en est emparée et puis les rappeurs l’ont détourné. Ça n’a pas amélioré son image. Ce n’est plus un article de sport mais le symbole de la rébellion, de la marge. Il est anti-autoritaire. A une époque où la productivité et la mobilité sont érigées en dogmes, c’est le compagnon de la “glande”. »

Le survêt se met sur son 31

Ils sont pourtant nombreux, ceux qui passent outre ce préjugé. Parfois par conviction. Parfois par obligation. « Moi, je travaille en survêtement, proclame Hadri, 27 ans, chef d’une petite entreprise de mécanique automobile en Seine-Saint-Denis. D’abord, mon activité le permet. Ensuite, je serais mal à l’aise en costume ou en beau gosse au milieu de mes salariés qui sont en bleu de travail. Je choisis les modèles de mes clubs de foot préférés : Atlético Madrid, Manchester City. Mes clients ne m’ont jamais rien dit. »

« J’en porte depuis toujours, confie ­Johnny, 28 ans, employé viticole chez ­Nicolas Reau, un des vignerons en vue de l’appellation Saumur, installé à Sainte-Radegonde (Deux-Sèvres), où il élève également des furets. J’ai une dizaine de survêtements. C’est ma garde-robe. Peu importe la marque. Dedans, je me sens libre. Pas de truc à boutonner. Le regard des autres, je m’en fous. »

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