Mohammed ben Salmane termine mardi 10 avril sa visite officielle en France par un dîner avec le président Emmanuel Macron, après avoir rencontré la veille le Premier ministre libanais Saad Hariri lors d'un rendez-vous qui aurait été très improbable il y a quelques semaines encore. Une photo tweetée dans la nuit de lundi à mardi par Saad Hariri le montre en compagnie du prince saoudien, surnommé « MBS », et du roi du Maroc Mohammed VI. Attablés côte à côte dans un endroit non identifié, ils sourient à l'objectif en tenue décontractée, veste et chemise à col ouvert.
Cette rencontre entre MBS et Saad Hariri, non inscrite à l'agenda mais confirmée par le bureau de presse de Saad Hariri à l'Agence France-Presse, intervient quelques mois seulement après la crise déclenchée en novembre 2017 lorsque Saad Hariri avait annoncé sa démission depuis Riyad, crise dans laquelle la France s'était largement impliquée. L'Arabie saoudite avait alors été accusée d'avoir forcé son protégé Saad Hariri à démissionner dans une tentative d'endiguer l'influence de l'Iran chiite au Liban et de le retenir contre son gré. La France était intervenue pour trouver une porte de sortie. Saad Hariri était rentré dans son pays trois semaines plus tard et avait ensuite annoncé qu'il revenait sur sa décision. Des élections législatives sont prévues le 6 mai au Liban.
Une visite sous le signe de la diplomatie
Les retrouvailles parisiennes entre Mohammed ben Salmane et Saad Hariri soulignent à quel point la visite de trois jours du prince héritier à Paris a été placée sous le signe de la diplomatie, et aussi de la culture, mais assez peu de l'économie. Dans le contexte explosif du Proche-Orient, où Riyad est un acteur majeur, le jeune prince de 32 ans n'est pas venu à Paris pour faire des affaires et signer des chèques. À tel point que l'Élysée a annoncé lundi qu'Emmanuel Macron se rendrait en Arabie saoudite « en fin d'année » pour parapher des contrats. Une rencontre était tout de même organisée par la délégation saoudienne mardi matin avec plusieurs patrons français, qui devrait donner lieu à quelques annonces commerciales. Mais le prince a passé près de trois semaines aux États-Unis, allié historique de Riyad, où il a eu tout loisir de nouer accords et contrats.
Selon l'Élysée, Emmanuel Macron a eu une « discussion stratégique avec MBS » dimanche lors de leur dîner en tête à tête au Louvre, « à savoir construire une alliance avec les Saoudiens ». Les deux dirigeants pourront en esquisser les contours mardi soir devant la presse à l'Élysée avant de dîner pour une deuxième fois ensemble. Le prochain monarque saoudien, qui du fait de son jeune âge peut espérer régner plusieurs décennies, a pu largement discuter depuis dimanche des grands sujets stratégiques en jeu au Proche-Orient, ainsi que de ses divergences avec les positions françaises sur plusieurs d'entre eux. Une source proche du gouvernement saoudien a suggéré que les changements incessants de planning du prince (son programme est très erratique) sont dus au fait qu'il consacre du temps à des « négociations difficiles ».
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Le Proche-Orient sous tension
Les dossiers chauds ne manquent pas dans un Proche-Orient sous tension, notamment en raison de la rivalité féroce entre Riyad et Téhéran pour l'influence régionale : accord nucléaire iranien sur la sellette, guerre au Yémen où les deux pays s'affrontent indirectement, pressions politiques au Liban, guerre en Syrie... Sur le nucléaire iranien notamment, MBS est adossé à la position de Washington, qui veut dénoncer l'accord international sur le nucléaire iranien de 2015 et menace de s'en retirer d'ici le 12 mai. La France et les Européens espèrent eux sauver l'accord et Emmanuel Macron devrait plaider en ce sens.
Paris devrait aussi essayer de persuader Riyad de participer à ses efforts au Sahel. L'Arabie saoudite est un contributeur du G5 Sahel, la structure de développement et de sécurité de la région essentielle pour Paris, notamment pour contrer la menace djihadiste. Et le gouvernement français pourrait vouloir pérenniser l'aide saoudienne. Mardi devrait aussi être signé officiellement le partenariat entre Paris et Riyad pour le développement de la cité antique d'Al-Ula en un complexe touristique responsable où la France est partie prenante. Le volet culturel aura été un des plus étoffés de cette visite, avec l'annonce d'un accord pour le développement d'un opéra en Arabie saoudite ou la participation du royaume au prochain festival de cinéma de Cannes. À l'issue de ces trois jours passés en France, MBS s'envolera pour une journée à Madrid, avant de regagner son pays, notamment pour préparer le prochain sommet de la Ligue arabe le 15 avril à Riyad.