Roman de l’été : « Michael Jordan, The Life » (6) | NBA | Basket USA

La saison NBA est terminée, il va falloir chasser l’ennui et trouver de quoi s’occuper sur la plage cet été. Basket USA a pensé à vous ! Comme l’an passé, nous vous offrons une sorte de roman de l’été, de longs extraits d’un livre 100% basket américain.

Après « Un coach, onze titres NBA » de Phil Jackson, nous vous proposons le deuxième ouvrage dédié à la balle orange édité par Talent Sport : « Michael Jordan, The Life » de Roland Lazenby, un bouquin de plus de 700 pages qui retrace toute la carrière de « Sa Majesté ».

Nous avons passé les premiers chapitres – qui évoquent les aïeux, l’enfance et la carrière universitaire de Mike – pour attaquer sa première année sur les parquets pros, en 1984-85.

Le roman de l’été, c’est un épisode par semaine jusqu’en septembre. Bonne lecture !

Première partie

Deuxième partie

Troisième partie

Quatrième partie

Cinquième partie

Chapitre 17 : Le jeune prisonnier

Dean Smith avait suggéré que Jordan suive une formation en communication à North Carolina pour l’aider à se préparer aux interviews et aux apparitions qu’il aurait à faire en public. Il commit certaines maladresses et connut certains moments d’hésitation à ses débuts en NBA mais c’était à prévoir. Il s’en tira seul, avec aisance, et eut d’excellentes relations avec les médias tout au long de sa carrière, même lorsque les journalistes l’agaçaient. Du jour au lendemain, les chaînes de télévision locales et les stations de radio qui montraient autrefois peu d’intérêt pour les Bulls ont commencé à vouloir couvrir la nouvelle star de la ville. « Il s’exprimait extrêmement bien et il était très photogénique », explique Jeff Davis, ancien producteur de chaîne de sport à Chicago. Jordan s’est rapidement couvert de gloire. Ce phénomène s’accentua avec les publicités de Nike et les photos qui créèrent, à leur tour, un élan suffisamment important pour générer un véritable engouement.

Tim Hallam, l’homme chargé des relations publiques chez les Bulls, a observé Jordan alors que celui-ci devenait une personnalité publique dotée d’un sang-froid extraordinaire. Julius Erving avait apporté de la grâce au rôle de superstar professionnelle du basket. Michael, qui admirait « Dr J », l’a imité jusque dans ses relations avec les médias. Deloris Jordan surveillait les moindres faits et gestes de son fils et lui signalait lorsque quelque chose clochait. Ce n’était pas superflu. Sa capacité d’écoute lui permettait de comprendre les questions des journalistes et de formuler systématiquement des réponses appropriées.

« Je pense qu’il a évolué sur tous les plans, fit remarquer Hallam. Revoyez ses premières interviews, il n’était pas aussi éloquent que quatre, huit, voire même douze ans plus tard. Vous savez, tout a changé en lui, y compris les vêtements qu’il portait. C’est drôle de remonter à sa première année, de regarder sa manière de s’habiller puis d’avancer quatre ans plus tard. Il est passé des pantalons de survêtement aux costumes de marque. »

En haut de sa tour d’ivoire

S’ils avaient quelque chose de positif et de rentable, les feux des projecteurs ont accéléré l’aliénation du personnage Jordan. Hallam commença à remarquer ce processus en février de cette année-là. Il était dû, en partie, à sa renommée, qui s’était rapidement étendue, et à l’humiliation ressentie lors du All-Star Game d’Indianapolis. Sonny Vaccaro s’envola pour Chicago afin de le rencontrer tout de suite après. Il voulait expliquer la réaction des plus grandes stars de la Ligue. « Après le All-Star Game, personne chez Nike ne savait quoi faire, se souvint Vaccaro. Michael et moi avons discuté. Je lui ai dit : “Cela te montre jusqu’où ils vont aller. Car tu es meilleur qu’eux tous, Michael.” »

Ce discours ne fut pas d’un grand secours pour atténuer la déception du rookie. Magic Johnson avait été son idole. Comme il l’avait déclaré aux journalistes, cet incident lui avait donné envie de ramper dans un trou et de s’y cacher. Réticent à l’idée de se montrer en public, en dehors des matches et des sorties programmées, Michael était déjà en train de devenir prisonnier de sa chambre d’hôtel. Il ne sortait de cet isolement que pour quelques occasions, se remémora Tim Hallam. « C’était un peu comme si l’on disait : “Wow, Michael est sorti !” Vous étiez content pour lui. C’était un peu comme un lion qui sortait de sa cage et se promenait librement à l’intérieur du zoo pendant un moment. »

Au-delà du rejet apparent des stars de la Ligue, la pression d’une telle gloire soudaine était écrasante, ainsi qu’une grande partie de la nouvelle vie de Jordan qui allait avec. À cette époque-là, les équipes empruntaient toujours des vols commerciaux, ce qui signifiait que la vie sur la route commençait tôt le matin, avec un réveil à 5h et une exposition immédiate au public, qui le reconnaissait à chaque tournant. Les gens se sentaient tout simplement obligés d’approcher le nouveau magicien mondial du sport et généralement, il ne fallait pas longtemps pour qu’il soit assailli, expliqua Hallam. « Je dirais même qu’il lui suffisait de crier ‘‘Allez au diable !’’ et de faire ce qu’il voulait vraiment. Mais on découvrait alors, en le voyant sortir comme ça, qu’il ne le pouvait pas. Les gens – que ce soient les adultes ou les enfants – étaient tellement gagas qu’ils ne pouvaient pas se retenir de le solliciter. Ils en perdaient la tête. C’était comme ça pour lui. »

Face à cette situation, Michael chercha un endroit où se réfugier. « Il parlait d’aller au cinéma, témoigna Joe O’Neil. Vous entrez vous asseoir dans une salle. Là, vous êtes comme tout le monde. En dehors de ça, où que vous alliez – les restaurants, les centres commerciaux, les stations essence – les gens vont vous sauter dessus. »

« Plus grand que la vie elle-même »

Nike et la NBA elle-même ont fini par être responsables, en partie, du sacrifice dont a souffert la vie privée de Jordan, comme le fit remarquer George Gervin qui devint son coéquipier en 1985. « C’est là que tout a changé. Ils ont fait de lui une personne plus grande que la vie elle-même. Ç’a été un coup dur pour Michael. Ils ont fait de lui le type le plus célèbre qui ait jamais joué. Mais c’est une vie difficile. Vous devez avoir un garde du corps près de vous en permanence, où que vous alliez. Vous ne pouvez pas manger, vous ne pouvez pas vous asseoir tout seul à une table. Il avait le style de vie de Michael Jackson. C’est une vie difficile. Cela peut vous mener à une mort précoce. Et les règles du jeu changeaient. La chaîne ESPN et le câble sont arrivés. Michael devait vraiment s’isoler car il faisait l’objet de toutes les attentions, de la part de Nike et de tous les autres. Il lui était difficile d’être simplement un type ordinaire. On vous vole votre vie. »

« Essayer de composer avec le public est devenu trop dur à gérer, ajouta Tim Hallam. Je pense que le changement se situait au niveau de ce qu’on lui demandait. C’était quelque chose d’incroyable. Et vous ne devez pas l’oublier : les exigences étaient déjà incroyables au niveau des Bulls, sans parler de ses propres contrats, de ses publicités, de Nike et de la vie d’une manière générale. Tout était chaotique, surtout à cette époque-là, dans la NBA. »

Bruce Levine, reporter radio à Chicago depuis longtemps, s’est aperçu que Jordan en était venu à se sentir transformé en objet, « un peu comme une très belle femme qui ne peut pas se faire à l’idée que les gens regardent uniquement son apparence extérieure. Les gens sont absorbés par ce qu’elle montre, par son physique. Michael savait que les gens le considéraient comme un objet et non comme une personne. »

« Il s’est passé beaucoup de choses pour lui, raconta Hallam. Je ne pense pas que cela ait réellement changé sa personnalité mais cela a fait de lui un homme différent, car il devait être différent. Vous ne pouvez pas plaire à tout le monde. Vous pouvez essayer pendant un moment mais vous apprenez, vous savez. “Je ne peux pas faire ça, cela ne vaut pas la peine que j’essaie et que je le fasse. Et donc, certaines choses vont passer à la trappe. Certaines personnes penseront que c’est parce que j’ai un ego énorme, que j’ai attrapé la grosse tête, que j’ai de l’argent ou que je suis célèbre.” Ce n’était pas du tout le cas. Il n’y a que 24 heures dans une journée. Je pense que c’était ce qui me faisait le plus mal pour lui, et personne ne pouvait le contrôler. Et pourtant, il continuait de sortir et de faire ce qu’il était supposé faire. »

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Pris dans la tourmente

Curieusement, Jordan a éprouvé un certain soulagement auprès des journalistes réguliers qui couvraient l’équipe, des gens auxquels il était parvenu à faire suffisamment confiance pour discuter avec eux avant les matches. Il a également continué à trouver du soutien auprès de sa famille, de sa mère et de ses frères, qui venaient régulièrement lui rendre visite à Chicago pour rester auprès de lui. Son père James venait aussi mais cela générait des problèmes à cause des disputes avec Deloris.

Les personnes qui étaient impliquées auprès de Jordan et de l’équipe à Chicago ont commencé à remarquer que ses parents étaient rarement ensemble. Sonny Vaccaro rapporta qu’après les premières réunions, il n’avait pratiquement jamais été en contact avec James et Deloris Jordan en même temps. « Au début, tout était normal pendant les voyages, se souvint-il. Ils étaient ensemble. La première fois, nous avions eu une réunion ensemble. Et puis la fois suivante ou celle d’après, les jeux étaient faits. Je ne peux pas vraiment dire que je me souvienne d’avoir échangé plus d’un mot avec le couple après ça. »

Les gens de l’équipe Nike ont ressenti un certain soulagement. Ils pouvaient toujours compter sur Deloris, qui était professionnelle. « Vous faisiez confiance à Deloris Jordan, explique Vaccaro. C’était une femme impeccablement habillée, très instruite, alors que d’une certaine façon, James était un peu vulgaire. » Étant sous contrat avec son fils, les responsables de Nike se sont bientôt retrouvés à gérer les affaires avec le père, ce qui n’a pas plu à Vaccaro. James Jordan était connu pour son penchant pour l’alcool, expliquait-il, et le temps allait montrer qu’il n’était pas fiable en affaires, se montrant aussi fragile que Deloris était solide.

Sis, la sœur aînée de Michael, fit remarquer que leurs parents se retrouvèrent dans une bataille pour influencer leur fils. Son père était calme et réservé tandis que sa mère se déplaçait sous le feu des projecteurs. « Si la soudaine popularité de Michael a créé un succès retentissant, elle a aussi entraîné une avalanche de divergences entre mes parents. »

La vie de James Jordan, le père, était loin d’être parfaite

Comme les conflits conjugaux survenus dix ans plus tôt, cette nouvelle bagarre pouvait éclater avec une intensité surprenante à l’abri des regards. « Michael a été divisé entre ses parents dès le premier jour, expliquait Sonny Vaccaro. Pas aux yeux du public. Mais il y avait cette relation dédaigneuse. »

La plupart du temps, les parents avaient des vues divergentes sur ce que Michael devait être et sur la façon dont il devait se comporter. Michael aimait ses parents. Il éprouvait de la loyauté pour chacun d’eux et parvint un peu, pendant ses premières années, à empêcher que leur conflit ne prenne des proportions dangereuses. Mais à mesure que sa carrière progressa, cela devint de plus en plus dur, précisa Vaccaro. Une opinion partagée par la fille aînée de la famille.

Durant la première saison de son fils à Chicago, la propre vie de James Jordan fut loin d’être parfaite. Le père faisait face à l’humiliation d’accusations criminelles en Caroline du Nord. Et Sis avait fait savoir à ses parents qu’elle étudiait la possibilité de lancer une action en justice contre eux en rapport avec ses allégations. Elle s’était inscrite d’elle-même pour suivre un traitement psychiatrique dans un hôpital de Wilmington. Dans ces circonstances difficiles, il n’est pas étonnant que James ait trouvé une échappatoire facile dans la vie fantasmatique de son fils.

Les employés des Bulls et les admirateurs, de la même façon, ont remarqué la proximité entre le père et le fils. James Jordan était d’apparence aimable et discrète. Les médias et les membres du personnel de la franchise de Chicago appréciaient sa bonhomie constante. Comme lorsque Michael était au lycée, James avait été clair sur le fait qu’il n’était pas là pour se mêler des affaires de l’équipe. Il était seulement là pour aider son fils à s’adapter en dehors du terrain.

« Michael l’adorait », témoigna Johnny Back, ancien entraîneur adjoint des Bulls, en 2012. « Ils étaient comme des copains, expliqua Tim Hallam à propos de Jordan et de son père. Je me disais que c’était chouette. Michael était toujours avec lui. Il était toujours pendu à lui. Je pensais que c’était bien pour Michael. »

Pourtant, à bien des égards, la compagnie de James n’a fait qu’intensifier la tension avec Deloris. Tous deux souhaitaient influencer Michael. Tout le monde n’a pas vu ou senti ce conflit. Joe O’Neil se souvenait du temps passé avec les Jordan lorsque les Bulls étaient sur la route. « J’étais dans le hall des hôtels avec James et Deloris. Ils avaient une attitude qui semblait dire : “Nous y arriverons un jour. Tu sais que nous le ferons.” Ils étaient toujours très positifs et d’un grand soutien. Le père de Mike était un type vraiment drôle, un blagueur. Deloris était comme toutes les mères. Elle s’occupait de Michael comme n’importe quelle mère s’occupe de son enfant. Vous ne pouvez pas imaginer combien elle était douce et agréable. Elle ne se vantait jamais en disant “Mon fils est une superstar” ou une chose de ce genre. Les parents de Michael étaient protecteurs et très, très fiers de lui. Comme tous les parents. »

L’époque du groupe

D’autres personnes se sont installées dans la vie du jeune Jordan, à commencer par Howard White, le directeur de Nike. Un ancien joueur de basket de l’Université du Maryland qui se trouvait être, lui aussi, Afro-Américain. « Howard était comme son gars, explique Vaccaro. C’était un type bien. Howard était son compagnon sur la route. »

L’entourage de Michael s’est élargi à partir de là, explique Vaccaro. « C’est à ce moment qu’il a reçu le soutien du groupe de Caroline du Nord. Rod Higgins est resté proche. Michael a commencé à former son propre groupe. Tout cela commençait à prendre forme. » C’était un groupe qui tournait avec la mission, identifiée, de tenir compagnie à Jordan sur les routes lorsque sa chambre d’hôtel commençait à ressembler à une prison. Au programme : jeux de cartes, golf, cocktails, baignades en piscine. Tout ce qu’il fallait pour alléger l’atmosphère. Ce groupe accueillit un vieil ami et coéquipier, Adolph Shiver, et les trois Fred : Fred Whitfield, qui devait bientôt avoir du travail avec Nike et David Falk, Fred Glover, un expert en sinistres qui avait rencontré Whitfield et Jordan au camp de basket de Buies Creek, et Fred Kearns, un entrepreneur de pompes funèbres de Charlotte, qui avait souvent joué au golf avec Michael.

Durant cette première saison, James Jordan fut effrayé en recevant une grosse facture pour les dépenses que l’entourage de Michael avait accumulées lors d’un voyage prolongé sur les routes. « J’ai d’abord pensé que c’était du gaspillage d’argent, jusqu’à ce que je réfléchisse un peu plus à la question, expliqua le père à ce moment-là. Et puis il m’est venu à l’esprit que c’était dans l’intérêt de Michael de garder autour de lui des amis proches, plutôt que des étrangers. La compagnie de ces types-là était bonne pour Michael. »

Sans répartie, vous êtes mort !

Parmi les autres habitués des premiers temps, il y eut Buzz Peterson et Gus Lett, un ancien agent de sécurité du Chicago Stadium qui assumait certaines de ces fonctions pour Jordan. Mais c’est George Koehler, le chauffeur de Michael, voiturier improvisé, qui s’est révélé particulièrement constant et fiable au fil des années, expliqua Joe O’Neil. « George était le parfait tampon pour Michael. Avec un gars comme Michael, vous avez presque toujours besoin de quelqu’un. Pour gérer les interférences. Pour avoir un autre regard. George était un chic type. Il était originaire de Chicago. Sa relation avec Michael était très, très spéciale. Il n’y avait pas beaucoup de monde autour de Michael. Ses amis les plus proches étaient du genre gars réguliers. Il y avait Rod Higgins, Adolph Shiver et les trois Fred. »

Les personnes qui se trouvaient dans l’entourage de Michael ont vite pris l’habitude de l’appeler « Chat noir », peut-être parce qu’il pouvait bondir aussi vite dans un environnement social que dans n’importe quel match. Jordan semblait mû par la nécessité de mettre au défi tous ceux qui se trouvaient autour de lui. À tous les niveaux. Son stratagème verbal était porté à un niveau qui semblait digne de tout ce qu’il faisait sur le terrain. « Avec ses amis et les gens qui lui sont proches, Jordan voit quelque chose, les taquine et les fait craquer, expliquait Rod Higgins. Pour traiter avec lui, vous devez aller droit vers lui afin d’éviter que la nuit ne devienne trop longue. »

Michael semblait apprécier la plaisanterie autant qu’il aimait un bon un-contre-un. Il l’abordait avec la même mentalité. « C’est le genre de type auquel vous devez être capable de faire face, expliquait Tim Hallam. Vous devez être en mesure d’encaisser ses coups, ses piques et de vous en remettre immédiatement. Sinon, vous êtes un homme mort. La meilleure façon de le chercher, c’est de vous retourner vers lui et de faire en sorte que les gens autour se mettent à rire. Là, il recule un peu. Parce que vous lui avez fait savoir qu’il merdait aussi. »

Comme l’expliqua Hallam, Jordan croyait que son équipe remporterait ses 82 matches chaque saison. Il avait des attentes similaires dans sa vie sociale, ce qui ne rendait pas facile le fait de se trouver près de lui. « Si vous faites une erreur, il vous le fera savoir », observa Buzz Peterson. Hallam ajouta : « C’est un peu comme si vous devez être en compétition avec lui sur n’importe quoi. Soit vous êtes écarté, soit vous n’êtes pas quelqu’un d’amusant à affronter. »

Une froideur atténuée par un caractère enfantin

Parfois, ses compagnons devaient prendre garde à ne pas trop s’opposer à Jordan. « Il déteste être embarrassé, expliqua Whitfield en riant. Il ne supporte pas, même s’il a toujours le dernier mot. »

« S’il vous taquine, vous avez droit à la volée, ajoutait Hallam. « Il aime reprendre de volée. Mais vous devez le faire correctement. Vous ne pouvez pas faire de la merde, il faut que ce soit bien fait. Est-ce que vous allez vous engueuler ? Non. Il dira quelque chose comme : “Tu sais, je pourrais te faire virer.” Je répondrai : “Ne me fais pas de faveur. Tu crois que ça me plaît, cette merde ?” »

Cette froideur était atténuée par le caractère enfantin que George Koehler avait observé au début. Jordan affichait parfois une vulnérabilité qui contrastait avec la férocité du compétiteur. Au début de sa nouvelle vie à Chicago, il montra une grande partie de la complexité qui définirait, plus tard, sa personnalité. Pour commencer, il luttait contre des émotions intenses et compliquées en rapport avec sa famille.

Michael appréciait la confiance et lorsqu’il la trouvait, il était capable d’une loyauté presque stupéfiante. « Dès que vous êtes ami avec lui, il fait vraiment tout pour conserver cette amitié et l’entretenir », expliqua Rod Higgins. Inversement, si cette confiance était trompée ou bien s’il ressentait un affront, sa réponse pouvait être tout aussi intense. Un facteur qu’il apprit à canaliser dans son esprit de compétition.

La chose la plus importante, peut-être, aux yeux de tous ses amis, celle qui leur faisait faire des allers et retours à leurs propres frais pour sortir avec lui, c’était sa loyauté rare. Jordan pouvait communiquer avec eux tous pour leur dire combien il se souciait d’eux. « Ce que les gens ne comprennent pas, affirma Charles Oakley, ancien coéquipier et ami de longue date, c’est que Michael est vraiment un type bien. »

Et sans aucun doute, il y avait la joie pure et la fascination d’être un initié dans le monde sublime de Michael Jordan. La vue de ces hauteurs était enivrante pour ceux qui étaient autour de lui. Il était l’Elvis Presley du basket. « Il a créé cette mythologie pour nous tous, expliqua Vaccaro. Qu’il s’agisse de Nike, de moi, de ses amis, quelle que soit la personne qui était avec lui, le petit groupe de types qui étaient avec lui, ceux qui ont connu des hauts et des bas avec lui, ils étaient ses amis. Ils étaient les seuls auxquels il pouvait faire confiance pour huit ou neuf ans. »

Ils se sont donc rendus utiles en tant qu’amis et plus encore. Par exemple, Adolph Shiver, le plus vieil ami de Jordan, a rempli le rôle de directeur à grande gueule et de barman pour les réunions. Surtout, Shiver apportait au groupe le sentiment d’être à la maison, avec un sixième sens pour l’ambiance de fête et un humour sur les limites de Jordan. « Ce garçon ne sait pas comment préparer les boissons, avait dit une fois Shiver en parlant de Michael. Il ne fait que mélanger des merdes. »

« Ce qui est certain, disait George Mumford, l’ancien psychologue des Bulls, c’est que s’il n’avait pas créé ce cocon, il n’aurait probablement pas remporté six titres NBA. »

La rencontre avec Juanita Vanoy

L’arrivée de Juanita Vanoy, que Michael rencontra en décembre, lors de sa première saison, fut de loin l’élément le plus important de sa vie privée. Ils furent présentés l’un à l’autre par un ami qui organisa une réunion chez Bennigan’s, à Chicago. Quelques semaines plus tard, l’ami en question programma une petite soirée pour leur donner une nouvelle chance de passer du temps ensemble. Vanoy était une beauté. On disait d’elle qu’elle avait été l’un des amours de jeunesse de Reggie Theus. Elle avait presque 4 ans de plus que Jordan. Il trouva cela immédiatement attirant. Michael était face au défi d’élever son propre niveau de maturité. Il pouvait échanger avec elle comme il pouvait le faire avec sa mère.

Cette faculté de discuter a donné naissance à quelque chose de magique et ils ont commencé à passer davantage de temps ensemble. Comme l’expliquait Lacy Banks du « Chicago Sun-Times », l’existence de Jordan était rapidement devenue celle d’un jeune prince. Le fait que Vanoy ait déjà été en relation avec un joueur de Chicago qui avait du succès auprès des dames a probablement aidé. Aux dires de tous, elle était élégante, intelligente et patiente. Elle était sûre d’elle et peu exigeante, deux points critiques pour gérer une relation avec Jordan. « Pam, ma femme, et moi trouvions Juanita charmante », expliqua Sonny Vaccaro. Une appréciation partagée par Richard Esquinas, le partenaire de golf de Jordan.

« Je connaissais Juanita depuis le premier jour, raconta Joe O’Neil. C’était quelqu’un de bien. J’ai grandi à South Side, comme elle. Pour quelque raison que ce soit, elle n’a jamais changé. Elle était la même Juanita que j’avais toujours connue. »

Pourtant, les parents de Jordan ne l’approuvaient pas. Ils ont essayé de combattre son influence, d’après Sonny Vaccaro, ce qui peut expliquer en partie la nature chaotique de leur relation pendant les premières années de Jordan à Chicago.

Le golf, une bouffée d’air frais

À vrai dire, rien ni personne ne risquait de détourner Michael de la compétition. Cela occupait une bonne partie de ses journées. Ses principales activités étaient le basket et le golf, même si ce n’était pas toujours dans cet ordre-là. Heureusement, sa dose ne nécessitait rien d’élaboré. Au début, lorsque Jordan réfléchissait à ce qu’il pouvait faire à Chicago, il allait souvent dans les bureaux des Bulls où Hallam, O’Neil et lui-même avaient installé leur propre parcours de golf miniature.

« Nous jouions au mini-golf, se souvenait Joe O’Neil. Nous avions installé un petit parcours de golf de 18 trous dans le bureau et nous faisions des paris. Nous faisions le tour du bureau en mettant les balles de golf dans des poubelles. Et ce gars-là était aussi bon lorsqu’il jouait au mini-golf dans le bureau que lorsque il était sur le terrain. Il pariait 20 dollars et c’était comme si c’était 400 dollars. Je me souviens encore de lui avoir donné 20 dollars dans le bureau. Ma femme me hurlait dessus parce que je pariais avec lui. »

Lorsqu’il faisait beau, ils emportaient le mini-golf dehors. « Nous jouions sur des terrains de golf publics. Nous avons joué au Medinah Country Club. Michael était à peu près aussi bon que moi à l’époque. Et puis il a commencé à jouer 150 parties environ par an et il est devenu un très bon joueur. Mais lorsque Tim et moi avons commencé à jouer au golf avec lui, Michael faisait ses débuts. Il pouvait frapper la balle mais vous ne saviez jamais où elle allait partir. »

Jordan évoquait souvent la solitude du parcours, qu’il appréciait. Pourtant, son exubérance ne le rendait pas vraiment paisible. « Il ne se taisait jamais, ajouta O’Neil en riant. Il parlait lorsque nous balancions le club, il parlait encore lorsque nous nous placions. Il pourrait être un grand commentateur à la télé s’il le voulait. Il pouvait simplement commenter mentalement, que vous soyez en train de jouer au bureau ou dehors sur le parcours. Ou encore en pleine partie de billard. Il vous poursuivait toujours. » Pendant quelques courtes heures, il pouvait être Mike Jordan, un type normal. « C’est pour cela que le golf est devenu si important pour lui, expliqua O’Neil. Cela lui permettait de s’isoler des autres. Il disait que le parcours de golf et le cinéma étaient les deux endroits où il pouvait être loin des autres, où il pouvait se rendre comme n’importe qui. »

Au printemps de l’année 1985, Jeff Davis produisit un spectacle régional de golf qui mettait en scène des célébrités en train de jouer une partie avec Ken « The Hawk » Harrelson, journaliste de baseball à la radio. À la fin de la saison, Davis contacta Jordan pour lui proposer d’apparaître dans le spectacle. Michael sauta sur l’occasion. « Il est venu et il était le plus heureux des hommes », se souvint Davis.

Sur le parcours, Jordan a demandé à refaire trois essais. « Il n’était pas content de sa performance, précisa Davis avec un petit rire. Il n’y avait pas d’argent en jeu. C’était une question de fierté. Il voulait battre Harrelson, qui était un excellent joueur de golf. Il ne pouvait pas aller plus loin mais il avait l’air bien. Il possédait un joli swing pour un type de sa taille. Le golf n’est pas un sport fait pour les hommes grands mais Jordan était déterminé et prêt à tout pour réussir. »

Ce jour-là, des scènes furent tournées sur un parcours dans la banlieue nord de Chicago. Après le tournage, l’équipe rangea tout dans sa camionnette et repartit en ville. « C’était à environ une heure du centre-ville, se souvint Davis. Nous redescendions par la voie express Edens. Tout à coup, notre cameraman, qui était au volant, a dit : “Bon Dieu, regardez cette Corvette qui fonce derrière nous !” Cette voiture qui filait sur la droite, c’était lui. Il avait le sourire jusqu’aux oreilles. Il a ri puis a fait un petit geste de la main. Et hop, il était déjà reparti. »

A suivre…

Roland Lazenby, « Michael Jordan, The Life »

726 pages, 32 euros, 13,99 euros en format numérique (ePub).

En vente en librairie, dans les grandes surfaces et sur les sites de vente en ligne.

Talent Sport : http://talentsport.fr

https://www.facebook.com/Talentsport2014/

Autres livres de basket disponibles

> Phil Jackson, « Un coach, onze titres NBA » (sorti le 14 mai 2014)

> Jack McCallum, « Dream Team » (sorti le 8 juin 2016)

> Kent Babb, « Allen Iverson, not a game » (sorti le 9 novembre 2016)

> Jackie MacMullan, « Larry Bird-Magic Johnson, quand le jeu était à nous » (sorti le 31 mai 2017)