Houellebecq, l’anti-dandy

Les gens célèbres veulent généralement voir publier des images d’eux-mêmes qui les valorisent. Et quand un maquilleur ou Photo­shop n’arrivent plus à améliorer un visage ou une silhouette, la chirurgie esthétique est appelée à la rescousse. Michel Houellebecq, lui, comme Serge Gainsbourg jadis, rame à contre-courant. L’écrivain, qui divise l’opinion et la critique avec son dernier roman, Soumission, n’a jamais été un apollon, mais il en rajoute dans lanon-estime de soi. On ne peut qu’ être frappé par l’évolution de son visage entre 2010 et 2014. Comme s’il avait pris vingt ans au lieu de quatre.Houellebecq, l’anti-dandy Houellebecq, l’anti-dandy

2010, c’est l’année du prix Goncourt, pour La Carte et le Territoire (Flammarion), son ­roman le plus consensuel. Les photos et les ­vidéos d’alors montrent un visage agréable, comme on n’en a guère vu avant et après cette date. La joue est rose, le cheveu court, la mèche raisonnable, la ride gommée, la chemise soignée, le sourire généreux. Les mots sont convenables aussi. Certains y voient une posture adoptée en vue de la chasse au Goncourt, un prix qu’il avait raté de peu dans le passé.

Un tout autre Houellebecq surgit en 2014. Une année faste, pour lui. Ce nouveau visage, on le découvre en mars dans le clip en noir et blanc de la chanson Isolement, de Jean-Louis Aubert. On le retrouveau cinéma, dans des filmsdévorés par sa présence à l’écran. L’Enlèvement de Michel Houellebecq, de Guillaume Nicloux, diffusé sur Arte le 27 août, a pour point de départ une rumeur de septembre 2011 : la « disparition » de l’écrivain pendant plusieurs mois – il aurait été kidnappé par Al-Qaida. Le deuxième film est une fable suicidaire, comme le titre le suggère, Near Death Experience, de Benoît Delépine et Gustave Kervern, sorti en salles le 10 septembre.

On pense au fantôme d’Antonin ­Artaud, à Louis-Ferdinand Céline

Houellebecq, l’anti-dandy

Sur les images qui accompagnent ces événements, le visage est creusé, le teint gris, la lèvre supérieure absorbée par une mâchoire ­supérieure édentée, les rides sont des rigoles, les cheveux sont longs et de paille, le corps flotte dans les vêtements, le pantalon ­remonte sous les bras. Chacun y va de sa comparaison. On pense au fantôme d’Antonin ­Artaud, celui saisi en décembre 1947, trois mois avant sa mort – pas de lèvres, cheveux longs, regard fiévreux – par Denise Colomb, un portrait qu’elle qualifiait d’« une folle indécence ». On pense à Louis-Ferdinand Céline, celui des années 1950, quand il vit en paria à Meudon (Hauts-de-Seine), immortalisé par les photographes François Pagès ou Boris Lipnitzki.

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