Elle a 95 ans et elle règne sur les Britanniques depuis presque 70 ans. Mais quel est son rôle ? Pourquoi fascine-t-elle les Français ? Pourquoi porte-t-elle des tenues hautes en couleurs ? Que sait-on de son caractère ? Que lui apportait Philip, son mari décédé cette année ? Les réponses de spécialistes.
Marc Roche : "Sa popularité est liée à l'Histoire. La reine est présidente du Commonwealth, la grande famille d'Outre-mer, soit 54 pays. Elle est chef de l'Etat de 15 d'entre eux. Elle a donc une aura planétaire que les autres monarchies européennes n'ont pas. Son faste contraste également avec une certaine grisaille d’autres royaumes.
La monarchie britannique se donne en spectacle, et elle le fait très bien. Aussi, peut-être à l'inverse des autres monarchies européennes, la royauté anglaise a su se réinventer. Et enfin, et c'est là son grand talent, Elizabeth s’est ancrée dans la classe moyenne montante et a su se séparer un peu de ses soutiens de base : l'aristocratie, l'armée et l'Église anglicane. Les partisans de la monarchie en Angleterre viennent du pays profond, soit 75 à 80% des sujets."
Thomas Pernette : "Oui, et il y a cette extraordinaire longévité. On a tous des souvenirs avec la reine Elizabeth II. Pour ma part, mon premier souvenir d'un événement international est l'inauguration du tunnel sous la Manche avec François Mitterrand. Je me rappelle son chapeau rose fuchsia. Si vous avez au moins 95 ans, vous avez toujours connu la reine !"
Marion L’Hour : "C'est un vrai témoin historique !
Pourquoi porte-elle des tenues voyantes ?
Marion L'Hour : "La devise officieuse de la reine, c'est : "être vue pour être crue" (to be seen, to be believed).
Quand elle est à Balmoral (son château en Ecosse), elle est habillée de façon pragmatique et porte des talons plats."
Thomas Pernette : "Pour Elizabeth II, la tenue est une partie de l'uniforme royal. Le chapeau, pour reprendre l'expression de l'historien et chroniqueur Robert Lacey, est un substitut de couronne. On a tous des souvenirs de la reine et de ses tenues. Dans les années 1990, on s’en moquait. Aujourd'hui, Elizabeth II est une icône de la mode. Est-ce elle qui a changé ? Ou est-ce notre regard ? C'est une grande question."
Qu’elle est sa véritable personnalité ?
Marion L’hour : "A cause du protocole, Elizabeth II ne doit pas montrer ses émotions. Elle reste toujours dans une forme de neutralité. C'est pour cela qu'elle ne parle pas de politique. Et même lors du scandale Epstein d’ampleur internationale qui impliquait son fils Andrew, probablement son préféré, elle n’a pas ouvert la bouche !
En revanche, elle n’a parfois pas sa langue dans sa poche, dans les années 1960, elle avait traité un ambassadeur américain de "gorille".
Marc Roche : "Elle n'a jamais rien dit de sa vie à une époque, où tout le monde parle à tort et à travers. Tout cela fait que la reine Elizabeth est peut-être la dernière star de la planète. Ce que l’on sait aussi, c’est qu’elle est très timide et donc très mal à l'aise avec les inconnus qu'elle rencontre toute la journée. Selon certaines fuites, elle a un grand humour. Mais en public, rien ne transparaît.
Cela vient de son éducation, celle de l’aristocratie des années 1930. Il n’était pas question de choyer les enfants. Ils étaient laissés à des gouvernants. Elle a été très marquée par l'influence de sa grand-mère, la reine Marie. Très austère, d'origine allemande, elle lui a inculqué le sens du devoir et surtout, quand elle était jeune, elle lui a demandé d'éviter de trop s'amuser. Avant Mary, et avant qu'elle ne devienne princesse héritière, Elizabeth II était plutôt désinvolte, et amusante.
Thomas Pernette : "On a vu malgré tout cette personnalité s'assouplir avec les années. Il y a bien sûr un enjeu d'image, d'une reine plus souriante, d'une reine plus humaine. Mais peut-être a-t-elle lâché un peu la pression."
Et Philip dans tout ça ?
Marc Roche : "Elizabeth est sérieuse, introvertie, réservée. Son mari, Philip Mountbatten (décédé le 10 juin 2021) était drôle, sociable, gaffeur, malicieux... Personne n'ose dire la vérité à la reine. Elle est protégée par des courtisans, et l'appareil du palais. Quand des personnes doivent s’opposer à elle, ils doivent tellement mettre des formes que finalement, leurs interventions sont assez légères. Philippe, lui, était le seul qui pouvait lui dire la vérité, que ça lui plaise ou pas."