Coronavirus : en Russie, les datchas reprennent du service à la faveur du confinement

Au premier abord, rien n’a changé. A travers les palissades percent les bruits habituels de la datcha. Bruits de la nature qui se réveille d’un long hiver, bruits du bois fendu à la hache, de la tôle froissée. Exclamations enjouées, cris des enfants, crachotis des radios qui, en ce 9 mai, montrent un goût prononcé pour les vieilles chansons soviétiques. C’est ça ! Ce n’est pas un bruit qui manque, plutôt une odeur. D’ordinaire, les célébrations du Jour de la victoire de 1945 sont l’occasion, après le recueillement, de joyeux barbecues entre voisins, amis, famille… Cette année, le fumet des grillades est absent ; le nouveau coronavirus a eu raison des chachlyki, les brochettes auxquelles les Russes vouent un véritable culte.Coronavirus : en Russie, les datchas reprennent du service à la faveur du confinement Coronavirus : en Russie, les datchas reprennent du service à la faveur du confinement

A la place, Iouri Rizer se contentera d’un petit verre de vin sucré avec sa femme, Larissa, et de la rediffusion d’un film de guerre. Surtout, contrairement à d’habitude, ce retraité de 74 ans, ancien agent d’entretien communal aux mains comme des battoirs, pantalon de jogging et veste en cuir, ne verra pas ses enfants et petits-enfants. Depuis le 4 mai, le couple a rejoint sa datcha des environs de Serguiev Possad, une localité située à 80 kilomètres de Moscou, célèbre pour sa laure (monastère orthodoxe) de la Trinité-Saint-Serge. « Je n’aurais pas imaginé rester à Moscou, explique Iouri, qui a construit sa maison de ses propres mains en 1980, à la place de la hutte en terre cuite bâtie par son père. Ce n’est pas seulement une question de confort et d’espace, on se sent plus en sécurité ici. »

Le calcul peut paraître surprenant. Le Covid-19 frappe aussi durement la capitale que ses environs. Plus de la moitié des contaminations en Russie (désormais moins de 10 000 par jour) sont recensées dans la région moscovite. Et la laure de Serguiev Possad, où les pèlerins se succédaient jusqu’à la mi-avril pour embrasser à pleine bouche icônes et reliques sacrées, a déjà enregistré plusieurs cas chez ses moines. Surtout, l’hôpital local est à des années-lumière, en matière d’équipement, des établissements moscovites modernes. « Au grand air, le virus se propage moins, se rassure Iouri. Et les gens ont changé leurs habitudes. Même le marché a été fermé, les producteurs locaux ouvrent le coffre de leur voiture et vendent leurs produits. »

Mise au vert massive

Coronavirus : en Russie, les datchas reprennent du service à la faveur du confinement

Des millions de Russes fuient le confinement et ses angoisses grâce à leur résidence secondaire. Certains ont migré pour de bon, d’autres multiplient les allers-retours, attendant la fin de la semaine comme une libération. Le confinement russe, prolongé jusqu’au 31 mai, a beau être tout aussi strict que le français, les autorités n’ont pas interdit ces trajets réguliers. Il existe même un laissez-passer spécifique, autorisant un aller-retour par semaine en voiture ou en train. A l’entrée des villes, des barrages policiers vérifient la conformité des documents. Résultat : dès la première annonce d’un confinement, le 27 mars, les sorties de voitures de Moscou ont augmenté de 15 %. La demande pour les locations de maisons, elle, a explosé de 90 %. Et le mouvement s’est accéléré avec l’arrivée des beaux jours.

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