Vous n'arrivez pas à vous habiller le matin en ce moment? Voici ce que ça dit de vous

MODE - Pyjama, jogging, chaussons ou peignoir. À l’heure où le confinement vit, on l’espère, ses dernières heures en France, force est de constater que les habitudes vestimentaires de certains d’entre nous ont beaucoup changé depuis le début de la crise sanitaire, à la fin de l’hiver 2020.

Le temps passé chez nous, loin des bureaux, des bars ou de tout autre lieu de sociabilité, y est pour beaucoup, mais ne se résout pas à ce qu’il y a (ou non) désormais dans notre armoire. Non, la période soulève de nouvelles interrogations, comme chez Marion, jeune trentenaire parisienne, qui depuis quelques temps est en panne sèche au moment de s’habiller le matin.

“Je suis perdue, nous dit-elle sur le ton de l’humour. Parfois, j’ouvre mon placard et je me surprends à trouver des fringues que j’avais complètement oubliées.” En télétravail depuis un temps “infini”, elle n’a plus le goût de s’habiller. “J’ai un jean qui traîne sur une chaise. En sortant de la douche, je le reprends. Il y a un pull. S’il fait chaud, je mets un tee-shirt et puis voilà, regrette celle-ci. Je tourne en rond.”

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Elle n’est pas la seule. Judith est dans ce même cas de figure. La jeune femme, elle aussi parisienne, a toujours aimé s’habiller. Ce dont elle raffole, ce sont les vêtements léopard. Aujourd’hui, rien de tout ça. Décider des habits qu’elle va porter au cours de la journée est devenu une expérience “douloureuse”, nous confie-t-elle.

Prise au piège

“Je ne me sens jamais satisfaite en ce moment, concède l’écrivaine. Ce qui ne m’allait pas il y a deux ans me va encore moins aujourd’hui. L’enfermement joue beaucoup sur ce sentiment. C’est compliqué de se kiffer. Quand tu te sens bien dans tes fringues, ça te stimule. Quand ce n’est pas le cas, tu te sens rabougrie.” Elle se sent prise au piège.

L’une comme l’autre témoignent en tout cas d’une perte de perception de soi. L’absence de nouvelles rencontres est un facteur, selon Bénédicte Régimont, autrice spécialisée dans la psychologie de l’habitat. Le manque de perspective, aussi. “Il commence à faire beau, les températures sont plus clémentes. En temps normal, on aurait sorti notre petite robe printanière. Mais là, non. On est encore dans une phase d’hibernation. On ne nous laisse pas sortir de notre grotte”, observe-t-elle.

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Ce jeudi 29 avril, les nouvelles étapes du déconfinement ont été rendues publiques. La fin des restrictions de circulation a été fixée au 3 mai. La réouverture des terrasses, le 19. L’été devrait s’accompagner, lui, de la disparition du couvre-feu. Mais voilà, quid de tout cela en cas de nouvelle aggravation de l’épidémie? “Le manque de certitude est problématique, poursuit Bénédicte Régimont. Dans le flou depuis un an, on développe une insatisfaction dans plein de domaines, dont nos vêtements.”

Conjuguer intérieur et extérieur

Vous n'arrivez pas à vous habiller le matin en ce moment? Voici ce que ça dit de vous

Pierre, qui nous raconte avoir pris du poids au cours des derniers mois, est dans l’indécision la plus totale, lui aussi, au moment de s’habiller le matin. Et ce, depuis le mois de septembre. “J’ai un dressing plein à craquer, mais il y a plein de choses dans lesquelles je ne me sens plus à l’aise”, précise-t-il. Le jeune commissaire priseur ne veut plus faire d’effort. Ça le frustre, lui qui accorde beaucoup d’importance à son apparence en temps normal.

L’état de résignation dans lequel il est n’est pas étranger au contexte. “On ne nous permet pas d’accéder aux changements conférés par le printemps, période de renouveau, renseigne Bénédicte Régimont. Les magasins sont fermés. L’idée n’est pas tant d’acheter de nouveaux vêtements, mais de s’ouvrir à la nouveauté et de s’en inspirer.”

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Le grand ménage n’a pas lieu. Le renouvellement de notre garde-robe, non plus. Comme nous l’explique la psychothérapeute Catherine Bronnimann, cette perte de repère entraîne un manque de confiance en soi. “Une identité plus fragile se présente à nous, concède l’autrice de La robe de Psyché, un essai qui tisse les liens entre psychanalyse et mode. On n’arrive plus à conjuguer l’intérieur et l’extérieur. On ne sait plus vraiment qui on est devant notre armoire. Ça nous rappelle une vie passée.”

Un nouveau mode de vie professionnel

La situation n’est pas facile tous les jours, en particulier quand on doit alterner travail au bureau et à la maison. C’est ce qu’a découvert Sofia. Quand le télétravail est arrivé dans sa vie, un monde nouveau s’est ouvert à elle: les vêtements “conforts”. Elle fonce s’acheter trois joggings, choses qu’elle ne portait jamais. Elle a alors quitté “le masque social”, selon Catherine Bronnimann, pour se tourner vers une expression plus libre, détachée des diktats du monde du travail.

Au mois de mars, les choses ont changé quand Sofia décroche un nouveau job dans son domaine, la communication. Contrairement à son précédent emploi, il lui est demandé de se rendre au bureau deux jours par semaine. “Il ne fallait pas que j’ai les mêmes vêtements à chaque fois”, s’est dit cette dernière, inquiète. Quelles chaussures porter? Comment s’habiller en adéquation avec cette nouvelle entreprise? Elle décide d’appeler une coach en images, celle qui l’a accompagnée à l’aube de ses 40 ans pour réinventer son style.

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La démarche est porteuse. En accord avec ses goûts et sa personnalité, la professionnelle l’a aidé à sélectionner des tenues. À la maison, c’est plus compliqué. Avant les premières réunions en visio de la matinée, elle se choisit un haut approprié. En bas, elle conserve son jogging. “Je fais en sorte de ne pas avoir à me lever à ce moment. Si quelqu’un sonne à ma porte, je coupe la caméra”, explique-t-elle.

Sofia le reconnaît: le pantalon de survêtement a des limites, y compris sur le moral. Ce n’est peut-être pas ce qu’il y a de mieux pour attaquer la journée, commence-t-elle à penser. “Le bon moyen de trouver comment fonctionner en télé-travail, c’est encore en phase de transition”, admet-elle, consciente qu’en étant bien dans ses vêtements, elle est aussi bien dans sa tête.

Un choix essentiel

Décider de ce qu’on va porter sur soi le reste de la journée n’est pas un choix anodin. Il traduit notre état d’esprit. “Quand on se sent prêt à conquérir le monde, on va sortir de notre placard ce vêtement qui nous fait nous sentir puissant, illustre Bénédicte Régimont. Le choix de nos vêtements influe sur notre humeur, comme notre humeur va influencer le choix de nos vêtements.” Catherine Bronnimann partage cet avis. “Lorsque dans mon cabinet, des gens viennent en n’étant tout simplement pas satisfaits de ce qu’ils portent, ils vont être un peu recourbés, pas vraiment présents. Ça perturbe”, constate-t-elle.

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C’est une décision importante. Pourtant, nombre d’articles de presse accessibles en ligne regorgent de conseils en tout genre pour s’habiller le matin rapidement, laissant entendre par là même qu’il ne faudrait pas y passer trop de temps. Ça n’est pas sans rappeler l’habitude vestimentaire qu’ont certains hommes, à l’instar du créateur de Facebook Mark Zuckerberg, qui préfèrent s’habiller tous les jours de la même manière pour économiser du temps de réflexion dans leur journée.

“Ne serait-ce pas lié au jugement selon lequel accorder de l’intérêt à son apparence vestimentaire serait futile? C’est faux, l’habit fait bien le moine”, estime Catherine Bronnimann. Une telle pratique est, selon elle, pernicieuse. “On perd une expression, on perd un bien-être. On sous-estime cette décision. Ce n’est certes pas primordial, mais c’est essentiel”, assure-t-elle.

Bénédicte Régimont est plus nuancée sur cette question. L’autrice, qui possède elle même plusieurs fois le même vêtement, explique qu’en limitant son choix d’habits, on libère son esprit. “J’ai deux jeans, deux pantalons noirs, deux jupes et trois robes pour l’été, indique cette dernière. Optimiser sa garde-robe simplifie plein de choses. Ça peut être bénéfique aux personnes qui n’arrivent pas à se décider en règle générale.”

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Décider pour nous

Latitude, Clothery, Coat, .... Depuis plusieurs années, les applications pour smartphone visant à conseiller les utilisateurs sur leur façon de s’habiller poussent comme des champignons. Ce mois-ci, une nouvelle a vu le jour. Elle s’appelle Swiblu et a été pensée spécialement pour donner un coup de main le matin.