le panurgisme lexical des médias (2)

Comme son titre le suggère, cette note complète et continue celle parue le 16 février. Cette fois-ci, nous nous attacherons à quelques adjectifs qui font les délices panurgiques des médias. Que l’on nous pardonne si certains ont déjà été évoqués et surtout le caractère forcément limitatif de notre liste.Nous luttons avec nos petites forces contre l’uniformisation*.

Commençons par un adjectif majeur : la presse ne jure plus que par ce majeur, qui en supplante tant d’autres : important, primordial, essentiel, crucial, éminent, principal. Si les journalistes, qui l’affectionnent particulièrement dans les titres, pensent que les lecteurs ne s’en sont pas rendu compte, ils se mettent le… majeur dans l’œil jusqu’au coude.Avez-vous remarqué que plus rien n’est drôle, plaisant, rigolo, marrant, tordant, poilant ni réjouissant, non, c’est invariablement jubilatoire. C’est d’autant plus lassant que c’est le plus souvent exagéré, car jubiler signifie « pousser des cris de joie ».L’humour n’est plus désormais que décapant et c’est un peu trop récurrent : il faudrait plutôt réserver le décapant à la colle à moquette ;et, pour la rime, nous passerons à obsolète, qui fait tellement plus riche que désuet, périmé ou dépassé. Cet adjectif vient en droite ligne du latin obsoletus (usé, vulgaire, flétri), qui était tombé en obsolescence, avant d’être ressuscité lors de la vague de relatinisation savante du français à la Renaissance.Faisons un sort à éponyme, qui supplante fort souvent, et fautivement, synonyme. C’est une mode bizarre car les deux n’ont absolument pas la même signification. Eponyme n’a qu’un seul sens : « qui donne son nom à » (nous renvoyons à un pt’it air d’Eponineet à les puristes sont-ils des losers ?).Enfin, pour clore cette liste d’adjectifs lassants, nous lançons un SOS : ne pourrait-on pas cesser d’utiliser déjanté à toutes les sauces (pas la piquante), cet attrape-tout au sens incertain ? ce SOS est même un « sauve qui pneu » mais qui va l’entendre ?

le panurgisme lexical des médias (2)

* Les moutons en troupeau qui illustrent notre précédente note paraissent de joyeux anarchistes à côté du sinistre défilé d’hommes uniformisés qui illustre celle-ci. Des millénaires de civilisation pour en arriver à ça !