Prononcé le 14 janvier 2022 - Marlène Schiappa 14/01/2022 Covid-19 | Vie publique.fr

ORIANE MANCINIBonjour Madame la Ministre.

MARLENE SCHIAPPABonjour.

ORIANE MANCINIMerci beaucoup d'être notre invitée politique ce matin.

MARLENE SCHIAPPAAvec plaisir.

ORIANE MANCINIMinistre déléguée chargée de la Citoyenneté. On est ensemble pendant un peu plus de vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale représentée par Jefferson DESPORT de Sud-Ouest. Bonjour Jefferson.

JEFFERSON DESPORTBonjour Oriane, bonjour Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPABonjour.

ORIANE MANCINIOn va parler, Marlène SCHIAPPA, d'abord du pass vaccinal puisque, énième rebondissement hier, députés et sénateurs n'ont donc pas réussi à trouver un accord, un accord qui semblait en passe d'être trouvé à un moment dans la soirée et finalement, patatras !, pas d'accord. Ça retarde un peu plus, du coup, l'entrée en vigueur du pass vaccinal puisqu'il y a une nouvelle navette dans les chambres parlementaires. Comment vous l'avez vécue cette absence d'accord ? Est-ce que vous n'avez pas su convaincre ? Est-ce que c'est un échec pour la majorité ?

MARLENE SCHIAPPAD'abord moi en tant que membre du gouvernement, je veux bien sûr respecter la séparation des pouvoirs et le dialogue qui se fait en CMP entre les députés et les sénateurs. Et c'est vrai qu'il y a eu des versions différentes du texte voté entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Et je crois avoir compris que les députés, notamment de la majorité, ont trouvé que le texte qui sortait du Sénat était un peu au rabais par rapport à leurs propres exigences et que le Sénat, de son côté, n'a pas voulu faire les pas vers l'Assemblée nationale, et donc il y aura un une discussion allongée…

ORIANE MANCINICe n'est pas ce que dit le Sénat. Le Sénat indique qu'il a tendu la main et qu'il veut mieux encadrer ce pass vaccinal.

MARLENE SCHIAPPAMoi je vous ai donné les deux versions. Je vous ai dit ce que disait chacun en tant que membre du gouvernement et, de surcroît, pas ministre de la Santé. Je ne veux pas rentrer davantage là-dedans. Mais c'est vrai que l'enjeu, qu'est-ce que c'est au-delà du texte et au-delà de savoir qui du Sénat ou de l'Assemblée remporte le plus d'amendements ou de dispositifs ? L'idée, c'est la protection de tous les Français et faire en sorte que ce pass vaccinal puisse rentrer en vigueur pour faire en sorte qu'on puisse de plus en plus, encore plus être vacciné. Je rappelle qu'en France il y a quand même une grande majorité de Français qui sont vaccinés. Je le dis parce qu'on parle beaucoup des antivax, de ceux qui ne veulent pas etc. On est quand même un des pays dans lequel il y a une meilleure couverture vaccinale. J'ai fait des déplacements diplomatiques dans d'autres pays, y compris en Europe, dans lesquels les gens sont beaucoup moins vaccinés. Donc je veux le dire parce que les Français qui nous regardent respectent majoritairement ces mesures et c'est important.

JEFFERSON DESPORTJuste sur ce point, Marlène SCHIAPPA. La semaine dernière, lorsque le texte était à l'Assemblée nationale, c'est Jean CASTEX qui accuse les oppositions de mener des coups politiques. Là, la situation est quand même clairement illisible. Est-ce que la politique n'en sort pas un peu affaiblie ? Parce qu'il y a quand même une urgence sanitaire, les contaminations continuent de flamber.

MARLENE SCHIAPPAOui. Moi j'ai vu qu'il y avait un tweet du sénateur Bruno RETAILLEAU qui avait été posté pendant la CMP, avec des conclusions partagées dans ce tweet alors que les conclusions n'étaient pas celles qui étaient en train d'être discutées en CMP. J'ai cru comprendre que les députés voulaient qu'on respecte aussi leur indépendance et qu'on respecte aussi le travail de la CMP et des personnes qui étaient en CMP, ce qui n'était pas le cas de Monsieur le Sénateur Bruno RETAILLEAU d'après les éléments dont je dispose.

ORIANE MANCINIBruno RETAILLEAU et les sénateurs centristes également qui disent qu'aucun prétexte de forme ne saurait justifier la remise en cause d'un accord sur le fond. Est-ce que ce tweet il n'a pas un peu servi de prétexte finalement aux députés de La République en Marche pour mettre fin à cette réunion ?

MARLENE SCHIAPPAMoi j'observe que c'est contraire à tous les usages de tweeter pendant une CMP puisque les discussions se poursuivent, et je sais que les sénateurs tiennent à ce qu'on soit très respectueux des usages et ils ont parfaitement raison d'y tenir. Je crois que c'est le cas aussi des sénateurs. Peut-être certains ne se sont pas sentis respectés au-delà de la forme dans le fond de ce qu'ils proposaient puisqu'il y avait là des conclusions qui étaient partagées qui n'étaient pas encore discutées. C'est comme si on partageait un verdict alors que le procès est encore en cours.

ORIANE MANCINIUn mot sur ce qu'a déclaré Christian ESTROSI hier. C'est le maire de Nice plutôt Macron-compatible. Il a dit qu'il faudrait confiner les non-vaccinés et qu'ils ne devraient pas avoir accès à l'assurance chômage. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?

MARLENE SCHIAPPAPas du tout mais j'ai beaucoup de respect pour Christian ESTROSI qui est un grand maire, qui nous a accueillis lundi à Nice et qui est très engagé avec le président de la République, avec le ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN et nous avons pu faire un travail important ensemble. Mais je crois que dans le débat public, toutes les voix sont bonnes à entendre. Monsieur ESTROSI, qui a été ministre auparavant, qui a exercé d'éminentes responsabilités, qu'il veuille pousser le curseur un petit peu plus loin surtout dans une ville comme Nice où il y a pas mal de personnes qui sont vaccinées et qui demandent qu'on puisse étendre un peu ces obligations…

ORIANE MANCINIC'est trop loin pour vous ce qu'il a dit hier ? Ça va trop loin ?

MARLENE SCHIAPPAJe ne veux pas le dire de cette manière. Simplement, je sais que c'est ce qui a été fait par exemple au Canada. Il y a d'autres pays qui ont pris des mesures un petit peu dures comme cela. Moi je suis attachée au droit commun, c'est-à-dire que chacun ait les mêmes droits sans différence en fonction de sa situation sanitaire, mais je comprends que Christian ESTROSI exprime aussi un ras-le-bol d'un certain nombre d'hôpitaux avec lesquels il est en contact et qui nous disent qu'en réanimation, il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas vaccinées et qu'ils cherchent les voies et moyens de pousser chacun à se faire vacciner. Mais moi je crois que le droit, l'assurance chômage on y cotise. On y a le droit, c'est un droit de toucher le chômage quand on a un accident de la vie, quand on est licencié, quand on a un problème et je pense que ça doit se faire évidemment indifféremment de la situation personnelle de santé de chacun.

JEFFERSON DESPORTMarlène SCHIAPPA, il ne faut pas trop emmerder les non-vaccinés ? C'est ce que vous dites ce matin ?

MARLENE SCHIAPPAEcoutez…

JEFFERSON DESPORTC'est les mots du président de la République, vous savez.

MARLENE SCHIAPPACe que je dis, c'est qu'il est important de trouver les voies et moyens de faire en sorte qu'il y ait de plus en plus de personnes vaccinées, et qu'on puisse aller vers les personnes qui ne sont pas encore vaccinées. Vous savez, moi je distingue ceux qu'on appelle les antivax, les personnes qui sont contre et qui en font de la politique politicienne - monsieur PHILIPPOT et d'autres d'une part - et d'autre part, des personnes qui peut-être sont encore isolées. Vous savez, moi je suis parisien mais d'origine corse. J'ai été élue en Sarthe, je sais qu'il y a des gens notamment dans des zones rurales ou dans des villages qu'on n'a pas encore atteints avec la vaccination. Peut-être qu'ils se posent des questions de bonne foi, qui ne sont pas anti-vaccins mais qui ne comprennent pas forcément la manière dont ça fonctionne et qui ont besoin d'être rassurés. Et je pense que ces personnes-là, il faut les rassurer.

ORIANE MANCINIDu coup, ce n'est pas les non-vaccinés qu'il faut emmerder, c'est uniquement les antivax. C'est ce que vous nous dites.

MARLENE SCHIAPPANon, ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que c'est important pour moi qu'on arrive vraiment vers cette protection générale et je comprends le ras-le-bol tant des soignants que des personnes qui ont fait énormément d'efforts et qui se disent qu'elles sont encore perméables face à ce virus, parce que d'autres n'ont pas fait ces efforts-là.

ORIANE MANCINIAprès les Yvelines, c'est à Paris hier que la justice a suspendu l'obligation du port du masque en extérieur. Est-ce que vous redoutez un effet boule de neige qui mette à mal la stratégie du gouvernement ?

MARLENE SCHIAPPANon. D'abord moi, je respecte les décisions de la justice qui est indépendante par rapport au gouvernement donc nous en prenons acte. Il appartiendra au ministre de la Santé de dire s'il souhaite de fait prendre d'autres mesures ou pas, mais je crois avoir compris que la justice en fait remet en cause le port du masque indifférencié en extérieur dans tous les lieux.

ORIANE MANCINIDisant que c'est une atteinte excessive et disproportionnée à la liberté individuelle.

MARLENE SCHIAPPAVoilà. Peut-être pouvons-nous, et ce ne sont pas des annonces, c'est vraiment du conditionnel, mais j'imagine que le ministre de la Santé voudra travailler à la possibilité d'avoir une obligation du port du masque par exemple dans les marchés, dans les endroits dans lesquels il y a une forte concentration de personnes. C'est vrai que porter le masque quand on est tout seul en promenade en forêt, ce n'est pas forcément nécessaire. Ceci étant, est-ce qu'il y a beaucoup de forêts dans lesquelles on peut se promener seul dans Paris ? Je n'en suis pas absolument certaine.

ORIANE MANCINIOn va parler de la grève dans l'Education nationale hier.

Prononcé le 14 janvier 2022 - Marlène Schiappa 14/01/2022 Covid-19 | Vie publique.fr

JEFFERSON DESPORTOui, parce que les enseignants défilaient contre Jean-Michel BLANQUER et sa politique, et notamment les cafouillages sur le protocole sanitaire dans les écoles avec ce qui s'est passé : des annonces dans la presse pour une mise en oeuvre dès le lendemain matin. Est-ce qu'il y a un problème finalement très simplement avec Jean-Michel BLANQUER, Marlène SCHIAPPA, au gouvernement ?

MARLENE SCHIAPPAMoi je crois que ce qui s'est passé est extrêmement important. Nous avons le Premier ministre Jean CASTEX qui, avec le ministre de l'Education Jean-Michel BLANQUER, le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier VERAN a reçu les syndicats enseignants très longtemps. Je les entendais ce matin dire eux-mêmes, les syndicats : « la réunion était très longue. »

ORIANE MANCINIOui. Il a fallu attendre 23 heures pour entendre Jean-Michel BLANQUER.

MARLENE SCHIAPPAOui, parce qu'il y a eu beaucoup d'échanges et, en fait, tant le Premier ministre que les ministres ont tenu vraiment à avoir une écoute. Je crois que ce qui est important, c'est que la confiance revienne. Les annonces faites par le ministre de l'Education nationale, je crois, sont de nature à rassurer tant sur la distribution par exemple des masques FFP2 pour des personnels de l'Education nationale - ce qui était demandé -, sur les recrutements pour les assistants d'éducation et pour aider les directeurs et directrices d'école sur des tâches administratives qui sont très difficiles et qui sont chronophages en cette période de pandémie, mais également sur l'abondement du fonds pour les purificateurs pour l'air…

JEFFERSON DESPORTEst-ce qu'il n'y a pas eu un problème d'anticipation ? Alors c'est toujours facile a posteriori, pourtant c'est ce que les oppositions vous reprochent depuis de longs mois, c'est ce manque d'anticipation, de prévision sur la gestion de la crise sanitaire.

MARLENE SCHIAPPANon. Moi je crois que la situation, elle est difficile dans la mesure où le ministre de l'Education nationale, avec l'ensemble du gouvernement et avec le président de la République, nous avons décidé de prendre une décision qui est une décision courageuse qui est de maintenir les écoles ouvertes. Moi, j'y suis très attachée. Pourquoi ? D'abord parce que vous avez beaucoup d'enfants qui sont dans des familles en situation de précarité, qui n'ont pas à manger s'ils ne mangent pas à la cantine le midi d'une part. D'autre part, vous avez des situations de violences intrafamiliales. Vous savez que c'est un combat que je porte et nous avons eu pendant le confinement des enfants qui se retrouvent enfermés seuls avec leurs bourreaux toute la journée, sans possibilité de signalement, sans soupape de décompression. C'était gravissime. Et puis la question des apprentissages quand même, on va à l'école aussi pour apprendre, et donc je crois que c'est important que l'école reste ouverte. Ça ne se fait pas sans difficultés, c'est vrai, et ça ne se fait pas sans fatigue pour les enseignants et je la comprends parfaitement. Je suis d'une famille de profs.

ORIANE MANCINIVous le comprenez ce ras-le-bol hier. Vous comprenez ce ras-le-bol qui s'est exprimé hier.

MARLENE SCHIAPPABien sûr. Mais je comprends la fatigue, je comprends la lassitude. Je comprends aussi celle des parents. Je suis mère d'élève moi-même, je partage avec mes camarades parents d'élèves si je peux le dire de cette manière et évidemment il y a un protocole, il y a des tests à faire, nos enfants sont cas contact quasiment tous les jours. Mais je crois qu'il ne faut pas prendre le ministre de l'Education nationale comme bouc émissaire de la situation. Nous combattons ensemble un virus et je pense que c'est important de le faire ensemble. Et donc moi, je me réjouis que les syndicats d'enseignants aient été reçus, entendus et qu'il y ait des décisions qui aillent dans leur sens.

ORIANE MANCINISauf qu'il a fallu cette grève. Il faut attendre deux ans pour créer une instance de dialogue et d'écoute et d'information - c'est ce qu'a dit hier Jean-Michel BLANQUER – bimensuelle. Il faut attendre deux ans pour distribuer des masques FFP2. Est-ce que vous comprenez que les enseignants en aient marre ?

MARLENE SCHIAPPAOui. Mais c'est vrai qu'on peut toujours s'améliorer et heureusement qu'il y a des décisions qui sont prises et que ce mouvement est entendu. C'est-à-dire que nous sommes vraiment dans l'écoute et le fait que le Premier ministre lui-même ait souhaité présider cette réunion, cet échange le montre. Jean CASTEX, vous savez, maintenant j'ai appris à le connaître depuis presque deux ans. C'est profondément un homme d'écoute, c'est un homme…

JEFFERSON DESPORTSurtout à cent jours, à moins de cent jours du premier tour de la présidentielle, cette urgence à éteindre l'incendie.

MARLENE SCHIAPPANon. C'est sa manière de gouverner. J'ai appris à le connaître, mais le Premier ministre est vraiment quelqu'un qui est très attaché à l'écoute. Je fais beaucoup de déplacements avec lui, notamment près des hôpitaux mais aussi dans des commissariats. Il aime toujours écouter, discuter, trouver des solutions. Et avec le ministre de la Santé et le ministre de l'Education nationale qui sont chacun expert dans leur domaine et qui ont voulu apporter des réponses, je crois que des solutions, des débuts de solutions en tout cas ont été partagés. Les syndicats eux-mêmes ont dit qu'ils en étaient satisfaits.

ORIANE MANCINIEst-ce qu'il y avait un risque politique pour Emmanuel MACRON de cette fronde des enseignants ?

MARLENE SCHIAPPAJe ne suis pas sûre que ce soit qui procède des décisions. Je pense que c'est avant tout une écoute de la situation et la volonté vraiment de trouver des solutions. Les personnels enseignants réclamaient des masques FFP2 depuis un moment. Le ministre de l'Education nationale a décidé de les entendre, de les mettre à disposition. C'est une bonne chose.

ORIANE MANCINILa crise sanitaire et le pass sanitaire et le pass vaccinal ont fait monter encore d'un cran les violences envers les élus. C'est un dossier que vous suivez bien évidemment. 300 plaintes déposées depuis juillet, c'est ce qu'a dit le ministère de l'Intérieur. 1 186 élus ont été pris pour cible en 2021, 162 parlementaires et 605 maires parmi ses élus. Est-ce qu'il faut prendre des mesures supplémentaires pour les protéger ?

MARLENE SCHIAPPAOui, toujours, et nous en avons crise au-delà de la loi qui a renforcé notamment la possibilité de former les élus. Vous savez que les forces de l'ordre, notamment le GIGN, échangent avec les élus pour les former face à cela.

ORIANE MANCINIJuste à ce propos, David LISNARD était devant le Sénat hier, le président de l'Association des maires de France, et il a dit : " Quand un maire reçoit une formation du GIGN, ça veut dire que le pays ne va pas très bien. " Vous partagez cette phrase ?

MARLENE SCHIAPPAOui. Ecoutez, évidemment. Moi je crois que la violence, elle est de plus en plus grave. Les menaces face aux élus, les menaces face à des journalistes. Moi j'échange régulièrement avec des journalistes qui me disent à quel point ils et elles sont menacés, notamment sur les réseaux sociaux dès lors qu'ils s'expriment, dès lors qu'ils ou elles particulièrement prennent la parole. Des menaces contre les enseignants, des violences également contre les soignants comme on a vues en Guadeloupe, les actes antireligieux. J'étais hier avec les deux parlementaires qui sont en mission, monsieur MENDES et madame FLORENNES, qui sont en mission sur les actes antireligieux. On voit à quel point il y a des gens qui décident d'aller profaner des cimetières, d'aller saccager des églises ou des synagogues ou des mosquées. Effectivement cette violence dans la société, elle est préoccupante. Regardez le fait contre lequel les forces de l'ordre se sont mobilisées, cet homme qui traînait dans la rue des personnes - je pense que vous avez vu cette actualité. À quel niveau de cruauté en est-on arrivé ? C'est-à-dire qu'on n'ait même plus sur le fait de violence, c'est-à-dire la colère et la violence parce qu'on n'arrive pas à exprimer sa colère autrement que dans la violence. On est sur de la cruauté préméditée et sur un acte vraiment de cruauté et de barbarie. Et moi en étant au ministère de l'Intérieur, je vois des actes de la sorte. Je pense que c'est absolument important, que nous avons une responsabilité pour apaiser justement le débat, pour faire en sorte que ces violences n'existent pas. De dire que le débat oui, la controverse oui bien sûr, mais la violence, la menace, l'insulte non.

ORIANE MANCINIMais du coup effectivement, vous avez pris des mesures depuis plusieurs mois.

MARLENE SCHIAPPAAbsolument.

ORIANE MANCINIMais est-ce qu'au vu de ce qui se passe et de l'augmentation de ces violences, ces mesures sont insuffisantes ? Et est-ce qu'il peut y en avoir d'autres ?

MARLENE SCHIAPPAAlors en fait, on a pris des mesures qui sont législatives. Nous avons pris des mesures qui sont des circulaires avec notamment la volonté d'une réponse pénale ferme et rapide sur ces sujets. Nous avons aussi…

ORIANE MANCINIEst-ce que vous avez l'impression que ça suffit ? Puisque, vous le voyez, les violences continuent.

MARLENE SCHIAPPAAlors on en a pris aussi d'autres qui sont très récentes. Le ministre de l'Intérieur est extrêmement mobilisé sur ce sujet. Et Gérald DARMANIN a demandé aux préfets de faire en sorte que dans toutes les rondes des forces de l'ordre, on puisse aussi inclure les domiciles et les permanences des parlementaires. C'est extrêmement important. C'est-à-dire que les forces de l'ordre sont mobilisées pour la protection des parlementaires, des élus qui seraient menacés. C'est normal et le ministre de l'Intérieur suit de très près ce sujet-là. Il reçoit également le garde des Sceaux et le président de l'Assemblée nationale Richard FERRAND qui a souhaité, comme me semble-t-il Gérard LARCHER d'ailleurs, le président du Sénat, se porter partie civile dès lors qu'il y aurait une plainte d'un parlementaire. Je trouve que c'est un beau message, un beau symbole d'unité de la nation.

ORIANE MANCINIEt c'est ce que demandait hier également David LISNARD, que l'Association des maires de France puisse se porter partie civile. Ça veut dire que vous êtes favorable à ça.

MARLENE SCHIAPPAMoi je crois que c'est important d'avoir ce beau message d'unité et de dire que ce n'est pas les uns contre les autres et qu'aucun élu de nulle part ne cautionne des violences face à ses adversaires politiques. C'est facile de soutenir des gens qui sont dans notre parti politique. Je demande qu'on soutienne aussi ceux qui sont dans l'opposition. Moi je l'ai fait quand madame LE PEN était menacée, je l'ai soutenue. Quand la conseillère d'Eric ZEMMOUR était harcelée, je l'ai soutenue. Quand Raquel GARRIDO et Alexis CORBIERE de la France Insoumise ont été menacés sur les réseaux sociaux, je les ai également soutenus. Je pense que c'est important. Ce n'est pas une question de personnes, c'est une question de principe de soutenir tous les élus menacés.

ORIANE MANCINIMais est-ce qu'il n'y a pas aussi un problème dans le suivi judiciaire, est-ce qu'il n'y a pas trop de classements sans suite de ces plaintes d'élus ?

MARLENE SCHIAPPAC'est vrai que la difficulté c'est qu'il pouvoir les caractériser, et j'en sais quelque chose, étant largement menacée moi-même, et je dépose régulièrement, via mon avocate, des plaintes, et c'est vrai…

ORIANE MANCINIQui aboutissent ?

MARLENE SCHIAPPAÇa dépend, certaines n'aboutissent pas, certaines sont longues et sont encore en cours de traitement, et puis d'autres aboutissent, il y a eu des condamnations, et je peux vous dire d'ailleurs que notamment pour ce qui concerne les réseaux sociaux, en général on retrouve des gens qui sont dans les petits souliers, qui nous disent " je n'avais pas conscience de ce que je faisais, ce n'était pas contre vous, je m'ennuyais, c'était pour m'occuper ", les argumentaires qu'on peut entendre lors des procès sont assez lunaires en fait, pour tout dire oui.

ORIANE MANCINIEt ça pose la question de l'anonymat également, ça repose la question de l'anonymat sur les réseaux sociaux ?

MARLENE SCHIAPPAÇa pose la question de la coopération des réseaux sociaux. Vous savez, nous nous avons augmenté les moyens de PHAROS, c'est le président de la République qui a voulu faire en sorte que PHAROS…

ORIANE MANCINIC'est la plateforme de signalement…

MARLENE SCHIAPPAExactement, signalement de la haine en ligne, soit ouvert désormais 24/24h, c'est important, avant PHAROS c'était 9h/17h, ou 9h/18h, c'est aujourd'hui 24/24h, nous avons mis des emplois en plus, il faut maintenant que les réseaux sociaux contribuent bien davantage pour retirer les contenus et pour être aussi proactifs, ce n'est pas à l'Etat de faire la modération bénévolement des réseaux sociaux.

JEFFERSON DESPORTMarlène SCHIAPPA, est-ce que vous craignez que cette montée des violences contre les élus soit attachée à ce quinquennat, vous avez un président de la République aujourd'hui qui assume de cliver, au début du quinquennat on parlait plutôt d'une communication disruptive, c'était un peu moins cash, là on sent que là aussi il y a une forme de radicalité dans l'expression ?

MARLENE SCHIAPPAJe ne sais pas. Vous savez, moi je me souviens des années de la présidence de Nicolas SARKOZY, où il y avait beaucoup d'expressions de haine, y compris…

JEFFERSON DESPORTLe Kärcher ?

MARLENE SCHIAPPANon, je veux dire d'une partie de la population, une expression de rejet vis-à-vis de son président de la République. Je me souviens de la présidence de François HOLLANDE, qui est arrivé à un tel niveau de détestation dans son propre camp qu'il n'a même pas pu se représenter, je crois qu'il était à 4 % de confiance de la part des citoyens à la fin de son quinquennat, ce n'est pas du tout le cas d'Emmanuel MACRON, Emmanuel MACRON inspire la confiance, je crois qu'il est plutôt soutenu, c'est en tout cas ce que disent les études d'opinion. Enfin moi je me déplace souvent avec le président de la République, l'immense majorité des personnes qui l'accueillent, l'accueillent favorablement, soit avec du soutien, soit en tout cas avec le respect dû à la fonction du président de la République qui nous représente tous.

ORIANE MANCINISe pose la question maintenant de la campagne présidentielle, qui va se faire sous Covid, il y a très peu de suspens. Il y a une première réunion du comité de liaison du Covid qui se tient ce matin avec les représentants des partis politiques, les représentants des candidats à la présidentielle, il y a un premier point qui a été fait mardi, est-ce qu'il y aura là aussi de nouvelles mesures qui seront mises en place pour assurer cette présidentielle sous Covid ?

MARLENE SCHIAPPALà aussi c'est extrêmement important pour nous d'écouter et de faire en sorte qu'il y ait une responsabilité collective et partagée, c'est-à-dire que je rappelle, je sais que ceux qui regardent Public Sénat sont aguerris, sont au fait du processus parlementaire, mais je rappelle qu'il y a une loi, comme chaque quinquennat, qui a déjà été votée, je représentais le gouvernement au banc, à l'Assemblée nationale et au Sénat, c'est une loi qui vise à organiser les élections présidentielles, donc les grandes modalités d'organisation de l'élection présidentielle ont d'ores et déjà été votées. Maintenant il y a des sujets sur lesquels nous pouvons avancer, nous au ministère de l'Intérieur, par exemple, nous avons développé " maprocuration.fr. ", qui permet d'avoir une préparation très rapide de la procuration, nous avons fait de nouvelles cartes électorales avec des QR code, qui permet de savoir immédiatement si vous êtes oui ou non inscrit sur les listes électorales, dans quel bureau de vote, à quelles dates se passent les élections, etc. Pour nous adresser aux jeunes, et ce malgré la pandémie, j'ai créé une task force avec l'ensemble des plateformes, Twitter, Facebook, TikTok, Instagram, Snapchat, etc., etc., et nous leur avons demandé de communiquer sur les réseaux sociaux en direction des personnes, de leurs utilisateurs, des personnes qui sont inscrites, avec les dates des élections, les candidats, vers des accès aux sites dans lesquels on peut consulter les programmes, etc. Je pense que toutes ces initiatives sont intéressantes.

ORIANE MANCINIJe voulais juste que vous parliez de cette loi. Parmi les demandes des partis politiques il y a les questions des procurations que vous évoquez, et notamment de la double procuration, qui ne figure pas dans la loi qui a été votée, dont vous parlez, est-ce que ça vous pouvez le changer dans le temps parlementaire qu'il reste, est-ce que vous avez envie de le changer, est-ce que la double procuration peut être mise en place ?

MARLENE SCHIAPPAAlors, la double procuration on l'avait mise en place de façon tout à fait exceptionnelle pour les précédentes élections locales, justement du fait de la pandémie, puisque nous sortions, à l'époque, tout juste d'un confinement, nous étions dans une période extrêmement difficile, et les parlementaires, ce n'est pas moi, les parlementaires ont voté, et à l'unanimité les parlementaires ont souhaité ne pas reconduire la double procuration. En revanche a été votée la déterritorialisation de la procuration, qui permet de donner une procuration, y compris à une personne qui n'est pas dans votre territoire, comme son nom l'indique, ça fait partie des mesures importantes. Au-delà ça moi je suis très attachée à mes droits et devoirs de citoyenne, on parle de droit de vote, pour moi c'est un devoir le vote, et je suis toujours un peu contrariée quand il y a des gens qui nous expliquent qu'ils ont autre chose de plus intéressant à faire que d'aller voter, je crois que c'est à nous aussi de redonner confiance dans la démocratie et nous sommes en train d'y travailler.

JEFFERSON DESPORTJustement, les deux dernières élections ont été marquées par des abstentions record, les municipales, les régionales, est-ce que vous craignez là aussi, pour la présidentielle, qui est le rendez-vous phare de la politique française, et qui même elle est touchée par ce phénomène de l'abstention, qui commence à être touchée, est-ce que là vous y voyez un risque là aussi parce qu'il va y avoir une question de légitimité pour le ou la nouvelle élue ?

MARLENE SCHIAPPAOui, c'est vrai que cette abstention elle existe et elle est de plus en plus forte élection après élection. Paradoxalement les élections européennes, qui habituellement avaient un taux record d'abstention, dans ce quinquennat ont plus mobilisé, ont davantage mobilisé, que des élections locales. Je crois qu'il incombera aux candidats et aux candidates à cette élection de donner de la passion, de l'envie, et je crois qu'il nous incombe aussi de rappeler, notamment aux plus jeunes, l'utilité du vote. J'ai beaucoup reçu d'associations de jeunes, qui sont très engagés, on ne peut pas dire que les jeunes ne soient pas concernés par la vie collective, le climat, l'égalité femme-homme, la cause animale, les Ouigours, il y a énormément de causes qui mobilisent les jeunes dans des associations, mais j'ai le sentiment qu'ils ne se disent pas que cette cause peut être traduite par le geste d'aller voter et de choisir un candidat, donc je crois que c'est à nous de faire encore cette éducation civique, si je peux le dire en tant que maman, cette éducation citoyenne en tout cas, et ce rattachement à la démocratie.

ORIANE MANCINIOn va revenir sur votre déplacement à Nice, c'était lundi, sur le thème de la sécurité, avec cette annonce notamment, entre autres, d'une loi de programmation qui sera présentée en mars. Quel est l'intérêt de présenter cette loi en mars au moment où le Parlement ne siège plus ?

MARLENE SCHIAPPAAlors écoutez, c'est effectivement une loi, la Loppsi, une loi d'orientation et de programmation sur le ministère de l'Intérieur, sur les forces de sécurité intérieure, sur la sécurité, l'intérêt c'est qu'en fait pour nous le travail continue, et je sais que l'opposition reproche parfois au président de la République de travailler, peut-être aimeraient-ils qu'il se mette en retrait, qu'il cesse de travailler, en tout cas le président…

ORIANE MANCINIC'est un petit peu politique quand même !

MARLENE SCHIAPPAC'est dans la continuité du travail que nous avons mené. Vous savez, moi je suis auprès de Gérald DARMANIN, au ministère de l'Intérieur, et je vois le ministre de l'Intérieur tous les jours, sans discontinuer, être au travail pour réfléchir à la manière d'améliorer la sécurité des Français, et je crois que dans cette Loppsi, j'en suis même sûre, il y a un certain nombre de propositions très concrètes. Quand le président de la République partage…

ORIANE MANCINIPour le quinquennat suivant.

MARLENE SCHIAPPAAbsolument, mais pour l'avenir, le président de la République il ne se laisse pas de s'intéresser au sort des Français au lendemain du 4, ou du…

ORIANE MANCINIDu 10 ou du 24 avril.

MARLENE SCHIAPPADu 10 ou du 24 avril, ou de l'entrée en fonction…

JEFFERSON DESPORTPourtant, Marlène SCHIAPPA, sur ce déplacement, les LR, par la voix de Patrick STEFANINI, ont annoncé vouloir saisir la commission des comptes de campagne, parce qu'ils considèrent que c'était un déplacement de candidat, ça va être compliqué jusqu'à la déclaration de candidature pour Emmanuel MACRON, justement de faire à la fois du « en même temps », c'est-à-dire continuer de présider, faire des annonces, et préparer ce qui semble être une candidature ?

MARLENE SCHIAPPAMais, vous savez, moi je suis attachée au fait que le président de la République préside, et qu'il exerce ses fonctions, il n'a pas été élu pour 4,5 ans et puis pendant 6 mois on verra s'il fait campagne, il a été élu pour 5 ans. On parlait de la confiance dans la démocratie, le mandat, en vertu de la Constitution de la Ve République, un mandat il a une durée, il a une date de début, une date de fin, nous ne sommes pas à la date de fin, le président de la République exerce ses fonctions. Et je vais vous dire, si je peux me le permettre, j'aimerais que la présidente du Conseil régional d'Ile-de-France exerce aussi ses fonctions jusqu'à la fin, elle a été élue, elle a gagné l'élection régionale, elle a été élue présidente du Conseil régional d'Ile-de-France, eh bien je souhaiterais qu'elle puisse exercer ses fonctions, il y a des problèmes en Ile-de-France…

ORIANE MANCINIElle ne les exerce plus, pour vous ? On parle de Valérie PECRESSE.

MARLENE SCHIAPPAOn parle de Valérie PECRESSE, absolument, manifestement elle est par monts et par vaux en déplacement, en tant que candidate, partout ailleurs qu'en Ile-de-France, et donc moi je demande qui préside en ce moment la région Ile-de-France ? J'aimerais bien savoir.

ORIANE MANCINIMais, il y avait une dizaine de ministres, vous le savez Marlène SCHIAPPA, dont vous d'ailleurs, qui étaient en campagne lors des élections intermédiaires, et pourtant vous disiez que vous exerciez quand même de vos fonctions de ministre, ça veut dire que Valérie PECRESSE elle ne peut pas faire ce que vous faisiez vous ?

MARLENE SCHIAPPAVous me passerez le fait qu'être candidate à l'élection pour devenir présidente de la République ça ne demande pas tout à fait le même nombre de déplacements qu'être candidate pour être une humble conseillère régionale à Paris, l'endroit où je vis et où je travaille.

ORIANE MANCINIUn dernier mot sur un sujet important, puisque vous allez donc quelques minutes à Dijon sur le thème des violences intrafamiliales, elles ont augmenté pendant la crise, et dans quelle proportion ?

MARLENE SCHIAPPAOui, pendant le confinement elles ont augmenté, alors après il est toujours difficile de savoir si ce sont les signalements ou si ce sont les violences, moi je me réjouis que les signalements augmentent. vous savez, en cinq ans, grâce au quinquennat d'Emmanuel MACRON, grâce au fait que le président de la République ait voulu faire en sorte que ce sujet soit la grande cause de son quinquennat, on aura considérablement libéré l'écoute, on parle beaucoup de libération de la parole des femmes, moi je trouve que les femmes ont toujours parlé, c'est surtout l'écoute qui s'est libérée, et moi il me tient à coeur de faire en sorte que dans tous les commissariats, dans toutes les brigades de gendarmerie, les plaintes soient bien prises. Donc nous avons pris des mesures…

ORIANE MANCINICe n'est toujours pas le cas ?

MARLENE SCHIAPPANous avons pris des mesures pour faire en sorte que ce soit le cas, que 100 %... nous avons donné des consignes claires avec Gérald DARMANIN, grâce au Grenelle des violences conjugales, et avec Edouard PHILIPPE, nous avons renforcé la loi, nous avons créé les bracelets anti-rapprochement, nous avons augmenté les téléphones « grave danger », nous avons par exemple créé la saisie des armes dès la plainte, aujourd'hui quand une femme va déposer plainte, si elle signale que son compagnon, ou ex-compagnon, possède une arme à feu, elle est saisie immédiatement par les forces de l'ordre, mais nous devons encore aller plus loin, par exemple sur les ISCG, les intervenantes sociales en commissariat et gendarmerie, nous en avons recruté 200, l'objectif c'était d'en recruter 80 en plus avec le Grenelle des violences conjugales, nous avons dépassé cet objectif, il y en a aujourd'hui 400 dans le pays, il y a des départements qui n'étaient pas couverts, qui aujourd'hui sont couverts grâce au Grenelle des violences conjugales, le président de la République nous a demandé d'aller encore plus loin, il a souhaité qu'on puisse en avoir 600 dans tout le pays, je viens en annoncer d'ores et déjà une nouvelle, à Dijon, avec Monsieur le maire de Dijon, Monsieur REBSAMEN.

ORIANE MANCINIMerci beaucoup.

MARLENE SCHIAPPAMerci à vous.

ORIANE MANCINIMerci Marlène SCHIAPPA d'avoir été notre invitée ce matin.

MARLENE SCHIAPPAAvec plaisir.

Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 janvier 2022