Apprentissage de la grammaire. La polémique prédicat

Le prédicat c'est quoi ?La notion de prédicat a été introduite dans les nouveaux programmes de 2015. Ce n'est pas une notion vraiment nouvelle : Aristote, déjà, parlait de relation prédicative. Pour faire simple, il y a dans une phrase le sujet (ce dont on parle) et le prédicat (ce que l'on dit du sujet) Exemple : dans la phrase « le bateau quitte Concarneau », le bateau, c'est le sujet, et le prédicat c'est « quitte Concarneau ». Le prédicat, c'est en quelque sorte le nom qui est donné à la fonction du groupe verbal. Il permet de faire la distinction entre la nature du groupe verbal et sa fonction.Pourquoi le prédicat ?Le Conseil supérieur des programmes (CSP) explique qu'il « a souhaité modifier les règles d'enseignement de la grammaire pour les rendre plus efficaces (..). Le prédicat contribue, pour l'analyse de la phrase simple, à relativiser l'importance d'un grand nombre de termes trop techniques, tout en permettant à l'élève de disposer d'un principe clair d'analyse : la phrase française est constituée de deux éléments essentiels (le sujet et le prédicat), auxquels on peut éventuellement ajouter des éléments qui sont, quant à eux, déplaçables ou supprimables ». Pour résumer, la démarche vise à aller du simple au plus complexe.

Alain FinkielkrautLa fin du COD ?L'introduction du prédicat à partir du cycle 3 (CM1, CM2, 6e) constitue-t-elle une simplification de la grammaire ? Signerait-elle la fin du COD (complément d'objet direct) ? Le CSP s'en défend : « Le Conseil n'a procédé à aucune simplification de la grammaire dont les règles et les principes restent inchangés (...). Le concept est nouveau dans les programmes mais pas du tout en grammaire. Le prédicat ne se substitue pas aux compléments du verbe qui continuent à être étudiés systématiquement ». L'identification du COD est seulement repoussée en 5e.Pourquoi cette polémique ?Un certain nombre d'intellectuels sont montés au créneau pour dénoncer le prédicat qui, selon eux, contribue au nivellement par le bas. C'est le cas d'Alain Finkielkraut, pour qui le prédicat « n'est pas un concept mais un gouffre dans lequel on fait tomber toutes les distinctions que la grammaire a pour fonction de nommer et d'apprendre aux élèves (...). À la baisse du niveau des élèves correspond, hélas, une baisse du niveau de l'enseignement ». Des politiques aussi s'en sont mêlés. « Un nouveau symbole de la dérive de l'enseignement qui s'éloigne du bon sens », a twitté François Fillon. Ce à quoi le CSP a répondu, dans un communiqué, qu'il s'agit, au contraire, de permettre aux élèves d'avoir « une meilleure maîtrise grammaticale à la fin de la scolarité obligatoire, à l'écrit comme à l'oral ».Qu'en pensent les enseignants ?Ils sont assez partagés. Un professeur des écoles du Centre-Bretagne, qui veut garder l'anonymat, dit ne pas en penser du bien, tout en reconnaissant qu'il a des collègues d'un avis différent. « Le prédicat permet de globaliser tous les compléments sans faire de différence. C'est une simplification dommageable. Je suis les consignes, mais je n'adhère pas. » Blogueuse (« Charivari à l'école ») et enseignante en CM2 en Sologne, Delphine Guichard comprend l'agacement des enseignants. « Le problème est qu'ils n'ont pas du tout été accompagnés ». Mais pour elle, le prédicat est une bonne chose : « C'est un découpage plus simple de la phrase au service de la compréhension et de la rédaction ». Elle rappelle qu'au Québec, où les élèves ont d'excellents résultats dans les enquêtes PISA, c'est une notion utilisée depuis longtemps.

Soutenez une rédaction professionnelle au service de la Bretagne et des Bretons : abonnez-vous à partir de 1 € par mois.Je m'abonneen complément « Une réelle inquiétude des enseignants » Que pensez-vous de cette polémique sur le prédicat ? C'est une sorte de crise de saison. L'an dernier, exactement à la même époque, certains ont découvert que dans les nouveaux programmes, on allait appliquer des rectifications en orthographe. Cette année, c'est le prédicat. Pour moi, c'est évidemment une affaire politique, une attaque contre la ministre. Cela dit, cet arrière-fond précisé, il y a une réelle inquiétude des enseignants.Comment expliquez-vous cette inquiétude ? Au départ, il y a un problème de terminologie. La majorité des enseignants ne savent pas ce qu'est le prédicat. Ils sont désarçonnés car ils sont face à un terme qu'ils n'ont pas l'habitude d'employer.À partir de quelle classe le prédicat est étudié ? Officiellement, il doit être étudié au cycle 3 (CM1, CM2, 6e). Mais déjà au cycle 2, on doit le travailler sans dire aux élèves ce qu'est le prédicat. Le prédicat est important car c'est le fil conducteur des nouveaux programmes. Le prédicat, c'est uniquement une question de sens. Dans la phrase « La Bretagne est une région magnifique », il y a le sujet - « La Bretagne » - et le prédicat - « est une région magnifique » -, c'est-à-dire ce que je dis du sujet. Le problème, c'est qu'à une analyse syntaxique de la phrase, on ajoute une analyse sémantique. Difficile d'expliquer à un enfant la différence entre un sujet du verbe et le sujet de la phrase. Mais de là à déclencher cette polémique, ça me paraît excessif.Mais le prédicat est-il bon pour l'apprentissage de la grammaire ? Ça part d'une bonne intention. On veut faire prendre conscience à l'enfant qu'une phrase, ce n'est pas n'importe quoi, que ça sert à transmettre du sens. Mais, encore une fois, le problème, c'est la superposition terminologique des notions. C'est pourquoi, dans le manuel auquel j'ai participé, on a fait le minimum. On l'a introduit au CM2 et on a fait l'impasse sur le CM1 en faisant un travail aussi simple que possible.Est-ce la fin du COD (complément d'objet direct), comme l'affirment certains ? Les programmes parlent d'une limitation de la terminologie grammaticale, ce qui pour moi est une bonne chose. Mais limitation n'est pas interdiction. Ceux qui disent « c'est fini, on n'a plus le droit d'étudier le COD », eh bien non. C'est faux. Dans les nouveaux manuels, on parle encore de COD et de COI (complément d'objet indirect).

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