"J'ai vu les deux auréoles roses sous mon t-shirt. Le monde n'est pas prêt" - Après un confinement sans soutif, le dur retour à la vie sociale pour les no bra

Durant le confinement, les femmes sont nombreuses à avoir arrêté de porter un soutien-gorge. Après ces quelques mois, comment se déroule le retour à la vie en communauté sans le sous-vêtement maudit ?

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Le confinement aura encouragé le « dégraffage » des bustiers, brassières, corsets et soutiens-gorges en tous genres. Une habitude que certaines ont prise durant ces semaines à la maison et que beaucoup ont voulu garder. Un sondage Ifop révélait en juillet 2020 que, désormais, 7% des Françaises avaient adopté le « no-bra », contre 3% avant l’épidémie.

Moulé dans un modèle imposé, le sein se doit d’être : rond, haut, sans téton apparent, et souvent de taille moyenne, s’il veut convenir au standard. Une représentation factice, qui fait parfois oublier la véritable apparence d’une poitrine sans corsage.

Yleanne, qui explique avoir « une assez forte poitrine (95D) », a longtemps pensé qu’elle ne pouvait pas se « permettre » de ne plus porter de soutien-gorge, car ses seins « allaient trop tomber et que ce ne serait donc pas « beau » ». La jeune femme de 23 ans parle du confinement comme ce qui aurait « enclenché le déclic ». Aujourd’hui, cela fait un peu plus de six mois qu’elle n’en porte plus. Du tout. Un choix qu’elle est loin de regretter : « c’est vraiment génial ! Plus de bretelles qui me scient les épaules, plus de sensation d’être comprimée, moins chaud et bien plus d’amour-propre ! » Son ancien pressentiment a également été dépassé. « J’ai (re)découvert mes seins et leurs formes, j’ai appris à les aimer sans un support extérieur. »

Un ressenti partagé par Lisa, 24 ans, qui précise, qu’en plus d’une volonté d’atteindre « le top du confort », elle a aussi fait ça « dans un souci d’acceptation de soi ». Son but, « s’habituer à la forme de ses seins au naturel, sans qu’ils soient « galbés » par un soutien-gorge, même sans armatures ».

Mathilde âgée de 35 ans, retirait quant à elle déjà son soutien-gorge avant le confinement, « systématiquement » et avec « un soupir de soulagement » en rentrant d’une journée de travail, Si, plus jeune, elle avait fini par s’habituer, c’est en « vieillissant et en se forgeant une solide conscience féministe » que « cette convention sociale, devenue contrainte », lui est apparue de plus en plus contradictoire face à ses convictions. Cela faisait donc plusieurs années qu’en dehors du bureau, elle vivait, « très épanouie » sans soutien-gorge. Arrêter d’en porter durant le confinement et ces jours de télétravail a donc été un comportement « naturel » pour la trentenaire, « presque 6 mois sans en porter… Quel bonheur ! » continue la Nantaise.

« Je n’attends qu’une seule chose, la fin de la journée »

Mais retourner au travail sans soutif n’est pas chose aisée pour tout le monde. Surtout lorsque l’on sait, que la société actuelle, n’est pas des plus accueillantes quand il s’agit de se défaire de certaines normes. EOn prête souvent au sein féminin un comportement qui ne lui correspond pas forcément. Impossible d’oublier les 48% de Français qui pensent qu’une femme pratiquant le « no bra » prend plus de risque d’être harcelée ou agressée. Et encore moins les 20% estimant que cela devrait être une circonstance atténuante pour l’agresseur. Youhou. Ce monde est merveilleux.

Des clichés dont Mathilde a bien conscience, l’obligeant, un matin, à adapter sa tenue pour qu’elle soit acceptable aux yeux de la société. « Pour aller au bureau, j’ai décidé de mettre un t-shirt blanc. Le petit check réglementaire dans le miroir avant de partir m’a montré les deux petites auréoles roses en transparence sous mon t-shirt. Et je pense que le monde n’est pas prêt à affronter ça. Le sein féminin est, par opposition au sein masculin, obscène dans l’inconscient collectif (on décrypte tout ça, et comme il devient une arme, ici). Il est, à peu près, acceptable qu’il soit libre, à condition qu’il soit couvert. J’ai donc dû faire face à un dilemme : changer de tenue pour convenir à mon nouveau mode de vie ou conserver ma tenue en mettant un soutien-gorge, et ainsi masquer ma poitrine. J’ai opté pour la deuxième option. »

Juliette, qui travaille avec des enfants, confie avoir eu « peur de la réaction que pourraient avoir leurs parents, de trouver cela « vulgaire » par exemple. » Si la jeune femme de 26 ans n’a eu aucune remarque de son entourage, elle a pu remarquer des regards plus appuyés dans la rue.

Laura, pour qui « le fait d’arrêter le port du soutif a été une vrai libération », explique qu’un lieu la prive encore de sa liberté : son lieu de travail. « Je bosse dans une grande enseigne assez connue qui vend des téléphones et autres. Là-bas, ils nous fournissent des t-shirts pour qu’on soit tous pareil et bien visible, mais ils baillent beaucoup. Je n’arrive toujours pas à venir sans soutif parce que je sais que les clients, et même mes collègues, majoritairement des hommes, sexualisent encore la poitrine. Pour ne pas attirer les regards, je me sens obliger d’en porter, je me sentirais tellement mal à l’aise si un client ou un manager se mettait à apercevoir mes tétons… Du coup, je me force malheureusement et je n’attends qu’une seule chose : la fin de la journée », confie-elle tristement.

Libre, avant tout

D’autres ont « passé le cap » de l’étape « délicate », comme le dit Emeline, de venir au boulot sans soutien-gorge. « C’était quitte ou double. Et finalement j’ai osé. Et quelle liberté ! Après tout, si ça dérange quelqu’un, tant pis pour lui, qu’il regarde ailleurs. Moi je me sens libre », affirme l’habitante d’Avallon.

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Lisa aussi a décidé de passer outre les avis des plus réfractaires, préférant privilégier ses envies : « Je ne suis absolument pas gênée par le fait que l’on devine mes seins sous les vêtements ! Et la reprise du travail n’y a rien changé, au contraire, je me suis rendue compte que je me fichais pas mal du regard des autres, il s’agit de mon corps et de mon confort ! J’encourage celles qui n’osent pas passer le cap à le faire, et surtout à faire ce qu’elles ont envie ! Que ce soit de porter un soutien-gorge ou pas, on fait ce que l’on veut avec son corps, on a toute des besoins et des envies différentes ! Aujourd’hui pour moi c’est free the boobs, le soutien-gorge ne servira plus que d’accessoire esthétique, si j’en ai envie. »

Un bel encouragement, en espérant, qu’un jour, il n’y ait plus à se poser la question d’avoir une tenue « appropriée » ou non avant de sortir de chez soi. Que l’on soit, avec, ou sans soutien-gorge.

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