Hunter, le futur du rap belge: «Ce que j’écris sur papier, c’est ce que je n’ose pas dire tout haut»

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Par Vincenzo Chiolo

Samuel Ryan Lauric alias Hunter, 18 ans, est prêt à faire de grandes choses dans le monde du rap francophone. Véritable autodidacte, le jeune Anderlechtois, vivant aujourd’hui à Genval dans le Brabant Wallon, a tout pour faire parler de lui. Fan des mangas japonais, il compte s’installer sur la scène urbaine avec son groupe, le Nekketsu Klan. Après avoir signé en maison de disque chez Warner/Elektra, une première porte s’ouvre à lui. Il sort ce vendredi son premier EP, intitulé « Club 111 ». De sa révélation sur le compte Instagram « 1MIN2RAP » à la réalisation de son projet avec Dany Synthé, nous avons discuté avec ce futur phénomène made in Belgium.

Instagram

Quelle est l’origine de ton nom Hunter ?

C’est simple, ça vient du manga/anime « Hunter x Hunter » que j’ai trop kiffé ! C’est aussi comme ça que mes potes m’appelaient. C’est le premier blase qui est resté et puis, quand il a fallu trouver un nom de rappeur, c’est celui-là que j’ai gardé.

D’où te vient cette fascination pour les mangas ?

C’est depuis que je suis petit. Mon meilleur pote m’a montré « Dragon Ball Z », je pense comme tous les fans de manga on a commencé par-là, et puis je suis tombé dedans.

Un élément m’a interpellé dans ta bio. On peut y lire que « Dans les Nekketsus, catégorie de mangas japonais largement répandus dans la culture pop, un héros solitaire part accomplir une quête en défendant ses valeurs les plus chères ». Quelle est ta quête et quelles sont tes valeurs ?

Moi, sur Instagram, c’est « Hunter du Nekketsu », parce que mon groupe de potes avec qui je rappe et qui s’appelle le Nekketsu Klan, on était tous fans de manga de ouf. Quand on a regardé la signification du Nekketsu, moi je trouvais qu’on pouvait grave la mettre en relief avec mon parcours. Vers 11, 12 ans, j’ai commencé à rapper avec mon meilleur pote, on écrivait nos premiers textes, mais moi j’étais dans un truc très « oldschool », je voulais rapper sur des trucs très à l’ancienne. C’était vers 2014, 2015, le Trap venait d’arriver avec Niska, XVBarbar, tout ça. Mais moi j’étais à fond dans mon truc avec 1995, et du coup ça faisait que par rapport aux jeunes, je n’écoutais pas la même musique, du coup, dans mon monde, j’étais déjà un héros solitaire, on va dire. Finalement, moi je viens d’un petit quartier qui s’appelle Genval, dans le Brabant Wallon, donc ce n’est pas une grande ville, alors qu’à la base je suis né et j’ai grandi à Anderlecht. J’ai déménagé, et ici, c’est vite limité en termes de rappeur et je me suis trouvé à ce que mes potes me disent, quand on était à la maison des jeunes où on avait un studio, « si jamais tu veux venir rapper avec nous, viens ». Je suis venu et il y avait que de la Trap, je ne m’y retrouvais pas et j’étais confronté à soit tu fais de la Trap, soit tu vas rapper tout seul. Du coup je me suis ouvert, j’ai fait de la Trap, et c’est là que « mes premiers ennemis », qu’était la Trap, sont devenus mes alliés et j’ai pu, avec mes potes, faire des « openmic », des freestyles sur Insta, bref des potes avec qui j’ai fait plein de trucs. C’est là que je mettrais en parallèle ce truc du Nekketsu et du héros solitaire qui à force d’épreuves, ses premiers ennemis deviennent ses amis.

Tu parles du groupe 1995, quelles ont été tes autres inspirations dans le rap ?

J’ai commencé vraiment le rap quand j’étais tout petit, aux scouts. On m’avait fait écouter Orelsan, et ce n’était vraiment pas une bonne idée que de faire écouter ça à un gamin de 10, 11 ans (rires). Après il y a eu la Sexion D’Assaut. Un de mes classiques quand j’étais petit c’était « L’Ecoles Des Points Vitaux ». L’album il tournait dans la voiture avec les darons, Orelsan un peu moins, ils n’aiment pas trop. Après, 1995, mais quand j’étais petit, je ne faisais pas la différence, j’écoutais le groupe comme une seule personne, je n’avais pas forcément fait attention à Nekfeu, par exemple. J’écoutais aussi un peu de rap « cainri » mais vite fait. Je n’ai jamais été fan de ce rap, mais je me rappelle que mon cousin m’avait fait écouter « Sweat » de Snoop Dogg, et ça m’avait rendu ouf.

Cela se voit dans tes chansons que tu as d’autres inspirations pour ta musique…

J’ai écouté beaucoup de musiques dans la voiture avec ma mère : Calogero, Cabrel, Patrick Bruel, Dalida, Rihanna, Beyonce, plein de choses. Pas trop de rock. Par exemple, moi, je kiffais les Beatles, Queens, mais ce sont des artistes que je suis allé chercher par moi-même par après. Quand j’étais petit, c’était vraiment de la variété française.

Tu as fait du solfège où tu as appris la guitare. Était-ce une envie personnelle ou bien tes parents t’y ont poussé ?

C’était mon envie à moi de faire de la musique depuis petit. La première chanson que j’ai chantée c’était « Monday Tuesday Laissez-moi danser », la chanson de Dalida ! C’était le thème de la « Star Ac 1 » et mes parents regardaient ça à fond. Depuis que j’ai découvert ça, j’ai envie de chanter devant des gens pour en vivre. C’est vraiment ce je voulais faire : faire de la musique à tout prix. Mes darons m’ont trouvé l’Académie qui n’était pas loin de chez nous après le déménagement, et par contre… j’ai détesté ! C’était trop scolaire, moi je n’avais pas facile à l’école, je n’étais pas un élève concentré. Ce n’était pas kiffant le solfège du coup, mais après, avec le recul, je me dis que j’aurais peut-être dû continuer parce qu’aujourd’hui ça aurait pu me servir. Au final, même maintenant, je fais les choses au feeling. Tu peux voir sur Instagram que je fais des petites vidéos où je suis au piano et bien ça, ce sont des trucs que j’ai appris sur YouTube. En vrai, je ne sais pas lire une note. Pour moi, c’est aussi ça la musique. Quand j’écris, j’aime bien que ça soit scolaire, mathématique, que tout rime bien, mais quand c’est de la musique, des notes, ça ne me dérange pas qu’il y ait une fausse note si c’est pour transmettre une émotion. Et c’est ça qui me dérangeait avec le solfège et la guitare. Moi je voulais jouer le rockeur (rires) !

Qu’est-ce que « 1MIN2RAP » représente pour toi ?

Un grand tremplin ! Si je suis en train de faire une interview avec toi, que j’ai pu signer en maison de disque… Une grosse partie de ma carrière actuelle est bâtie sur la page Instagram « 1MIN2RAP ». J’ai une grosse force pour Milyann – le fondateur du compte, on se parle encore assez régulièrement, je lui ai envoyé le projet à l’avance. C’est un peu fou en fait : une vidéo que j’ai faite dans ma chambre d’hôtel qui me rapporte 3.000 abonnés, ça te met de l’essence. Après tu es reparti pour un tour !

Pourquoi avoir balancé ce freestyle en direct de New York sur les réseaux sociaux ?

En fait, ce qu’il faut savoir et qui est hyperimportant, c’est que les gens ils ragent souvent sur « 1MIN2RAP » parce qu’ils ne sont pas reepostés. Moi, la première fois que j’ai fait une vidéo pour « 1MIN2RAP », c’était 4,5 mois avant celle dans ma chambre d’hôtel. Moi aussi je n’avais pas été reeposté. Et moi aussi j’avais ragé (rires) ! En fait, il y a tellement de vidéos que le mec, il ne peut humainement tout voir. Je pense que c’est aussi un peu de chance. Ce qui m’a vraiment poussé à le faire c’est un pote à moi qui s’appelle Néo, mon meilleur pote d’enfance avec qui j’ai commencé à rapper. Lui, il était « déter », il connaissait la page quand elle n’était encore pas certifiée, rien à voir avec l’ampleur actuelle. Aujourd’hui, ils ont 1.000.000 abonnés, c’est n’importe quoi ! À l’époque, Néo le faisait et il n’était pas reeposté. Et lui, c’était le plus fort du groupe et je me disais « si lui, il n’arrive pas, moi je ne vais pas tenter de le faire ». En plus moi, quand j’ai fait ma vidéo, c’était sur mon Insta personnel, donc j’avais chaud, plein de gens ne savaient pas que je rappais. Au début, je n’avais pas envie de la poster. Puis je l’ai fait, je n’ai pas été reeposté, ça m’a mis un coup. Au final, quand j’étais en vacances à New York, j’écoutais le nouvel album de PNL, « Deux Frères », et en écoutant l’instru de « La Misère est si belle », j’ai un texte qui m’ait venu. J’ai cherché l’instru sur YouTube, j’ai réveillé mon petit frère et on l’a fait comme ça. Ça a pris d’un coup, pas un truc de ouf, mais assez pour que je me dise « tiens, je vais le refaire ». Ça a fait que la page elle a grossi, quand j’ai sorti des sons en stream, les gens ils ont été les écouter, et voilà !

Tu signes à 17 ans chez Elektra, alors que tu es au collège Christ-Roi. Comment se passe ta scolarité, liée à ta carrière de rappeur ?

Hunter, le futur du rap belge: «Ce que j’écris sur papier, c’est ce que je n’ose pas dire tout haut»

Je n’étais pas du tout un très bon élève. Je n’étais pas le plus mauvais, j’avais réussi toutes mes années jusque-là, parce que, en vrai, je n’osais pas me mettre à fond dans le rap. Ce n’était pas encore assez sérieux. Puis, j’ai eu ce truc sur Insta où ça commence à marcher un peu. Pas assez que pour en vivre et arrêter les cours, mais il y a aussi le facteur où je venais d’avoir mon permis pour rouler dans une voiture sans permis, la fameuse Aixam. J’ai goûté à la liberté. Tout ça a fait qu’après, l’école, c’était foutu, surtout que j’ai raté mon année, et ça m’a mis un coup parce que je ne devais pas la rater. Mais comme j’étais un élève assez perturbateur, j’étais dans un collège assez strict, ils n’ont pas hésité à me mettre dedans. Finalement, j’ai signé. J’ai pris la décision d’arrêter les cours, mais pas pour ne pas avoir mon diplôme. Je vais d’ailleurs le passer en candidat libre, parce que c’est quand même important. Je suis assez autodidacte, donc je sais que je peux le faire par moi-même. Ce truc de se lever tous les jours pour aller en cours ne me plaisait plus du tout. J’avais vraiment du mal avec ça.

Tu voulais faire quoi dans la vie, à part le rap ?

En vrai, ça a toujours été le rap. J’ai toujours voulu faire du rap, mais je pense que j’avais trop peur pour m’y mettre vraiment à 200 %. Un jour je m’y suis mis, et encore maintenant, c’est ça ou rien. Moi, j’aime beaucoup la lecture, si ça ne marchait pas dans la musique, j’aurais sûrement fait un truc littéraire. J’aurais peut-être écrit des livres ! Dans tous les cas, ça aurait été un truc en rapport avec les mots.

Quand as-tu vu qu’il y avait un déclic ?

Je considère que pour l’instant, ça n’a pas vraiment pété. Je ne pense pas avoir percé parce que je suis encore à mille lieues de mes objectifs. Je pense que c’est un moment où je me suis dit « c’est ce que j’ai envie de faire, je vais le faire à fond ». Je suis prêt à me dédier à 200 % là-dessus, même si ça veut dire d’arrêter l’école. En arrêtant les cours et en étant un peu plus libre pour ma passion, je me mets un peu plus de pression sur mes études parce que ça veut dire que je suis seul à devoir m’apprendre les choses et à devoir étudier mes cours sans aller en classe. J’avais envie de le faire, d’être libre et de me prouver que je savais faire les choses moi-même. Donc oui, pour l’instant, je te dirais que je n’ai pas encore eu de déclic où je me dis que ça a pété parce que je n’ai vraiment pas encore percé, j’en suis loin. Quand j’ai signé, je me suis dit « je suis prêt à mettre un premier pas dans la cour des grands, dans le game, et d’essayer de construire une big carrière ». Je pense que c’est ça le plus important.

Tu parles beaucoup de ta scolarité et de tes parents dans tes chansons. Quelles a été leur réaction quand tu leur as annoncés que tu allais arrêter l’école pour te dédier à ta passion ?

Mon père est très impliqué dans ma musique, c’est mon « agent ». C’est lui qui va regarder mes contrats. En plus, j’étais mineurs quand j’ai signé donc mes parents ont dû être là, avec moi, et ont dû signer aussi. J’ai la chance d’être aussi entouré de mon meilleur pote et manager Dany. Au début, pour ma mère, ce n’était pas facile. Elle est médecin, a fait beaucoup d’études, et pour elle, c’est super-important. Quand je lui ai dit que je voulais m’y consacrer à fond, elle n’avait peut-être pas assez confiance, elle me disait que passer mon diplôme en candidature libre ça allait être chaud. Mais au final, quand on a signé, elle s’est dit qu’elle ne me laissait pas non plus à la rue, sans rien. Il y a quand même un programme qui est mis en place. On est là pour faire de vraies choses et au final, je vais l’avoir ce diplôme ! Je le dirais dans le prochain EP quand je l’aurais, mais j’ai fait sécher les larmes de ma mère et je les ferais encore sécher, je l’espère.

Parlons de l’EP. Pourquoi l’avoir appelé « Club 111 » ?

C’est une bonne question ! Déjà, je trouve que le nom est cool (rires), mais derrière il y a une vraie réflexion. Je te parlais de mon groupe, le Nekketsu Klan, avec qui j’ai commencé à rapper et qui était un groupe de potes à la base. Ce groupe de potes, avec Dany mon manager, des autres potes qui ne rappent pas, mais qui sont toujours là pour m’aider. Pour ces gens-là, je voulais trouver un nom pour les représenter parce que c’est avec eux aussi que j’ai fait une majeure partie de mon EP. Ils m’accompagnaient en studio, filmaient des vidéos pour Insta, etc. Aussi, je voulais intégrer mon public dans ce club. C’est mon premier projet et je voulais intégrer le public de la première heure, les vrais fans qui sont là depuis maintenant, le « Club 111 ». Je voulais les intégrer dans ce groupe et dire : « Eux aussi, ils font partie du « Club 111 » ». C’est pour ça que j’aime bien dire que « le « Club 111 » ouvrira ses portes le jour où l’EP sortira ». Il pourra accueillir tous les supporters et tous les gens qui sont là pour faire partie de cette histoire, qui est ma carrière. Pour l’étymologie du nom, « Club », dans les jeux de cartes, ça représente en anglais le trèfle. Chez nous le trèfle est assimilé à la chance. « 111 », c’est parce que tous les nombres qui sont à trois répétitions sont censés avoir un certain sens, et le « 111 » représente le départ, le premier pas. Du coup, le trèfle et le premier pas c’est un peu la chance du départ, comme c’est le premier EP. C’est aussi dire : « On prend cette chance et on y va ».

L’EP est composé de 8 titres, dont 3 qui étaient déjà sortis auparavant. Est-ce une carte de visite ou simplement des sons que tu voulais partager avec ta communauté ?

C’est un peu des deux ! Autant des morceaux comme « Dessine » et « Hélicoptère » ce sont des sons que j’avais déjà avant de signer. Je savais que c’étaient des grosses cartouches que je kiffais. Je me suis dit « il est temps de les balancer » parce que j’avais envie que les gens les écoutent. Pour ce qui est du reste, c’est effectivement assez carte de visite. C’est les morceaux qui ont été travaillés après, de ma signature jusqu’à octobre/novembre. Je trouve qu’il y a aussi une certaine cohérence dans l’EP qui est due au fait que j’ai travaillé avec Dany Synthé. Il a pu repasser sur toutes les prods du projet et donner aussi cette cohérence musicale et pas que textuelle. C’est une bonne première carte de visite, j’ai donné tout ce que j’avais, toutes mes armes. Il y a encore pas mal de choses qui vont arriver et j’espère que les gens vont kiffer.

Ecoles, parents, potes, argent… tu parles de bon nombre de sujets dans tes morceaux, mais surtout d’amour. Que s’est-il passé dans ta vie, à 18 ans, pour que tu en parles autant ?

Ce sont des expériences personnelles. Je pense qu’en tant que jeunes on a tous eu des amourettes, tous eu des filles dans notre classe à qui on a jamais osé parler. Et c’est ce que j’écris sur papier, c’est ce que je n’ose pas dire tout haut, ou en tout cas ce que je n’ose pas dire en personne. Et sinon, pour la plupart ça parle d’expérience. Comme tu dis, je suis encore jeune, je n’ai pas encore eu moult et moult d’expériences, mais assez pour en parler (rires) ! Et surtout assez que pour en faire quelques chansons sur un EP.

Est-ce qu’il y a des sujets que tu n’as pas encore abordés et que tu souhaites aborder dans tes prochains projets ?

Oui, il y en a pas mal. Il y en a beaucoup dont je ne me sens pas encore assez mature dans mon écriture ou dans mon regard pour en parler. Je pense notamment au racisme, qui est un sujet dont j’aimerais bien parler, en faire une chanson. La famille, plus que dire que j’ai déçu maman, que je l’aime, etc. Il y a aussi le père, les petits frères, tout ça. Les difficultés aussi que l’on peut éprouver en famille. Je vis encore chez mes parents, je ne suis pas encore rentré dans le monde adulte que pour avoir un vrai regard sur la société. Tout ça va venir avec le temps, et j’aurais le temps de l’exprimer au travers d’autre projet.

Tu as aussi autant de sujets que de genres musicaux… Dans quel genre te sens-tu le mieux, toi qui as commencé par le freestyle ?

C’est une bonne question ! Je pense que la différence la plus flagrante entre un freestyle et un vrai morceau, c’est que, comme son nom l’indique, un freestyle est assez libre. Un coup j’ai envie de rapper, un coup j’ai envie de balancer une mélo. Après, quand tu fais une vraie chanson, comme « Dessine », à la base, c’est un freestyle que j’ai mis en chanson en la structurant. C’est-à-dire Intro – Couplet – Refrain – Couplet – Refrain – Outro. L’auditeur il sait ce qu’il écoute, il n’est pas con. Il sait ce qu’est un refrain ou un couplet. Cette notion-là, elle est un peu plus floue quand c’est un freestyle, tu peux rapper au moment où l’instru est censée être le refrain, et tu peux chanter quand c’est le couplet. Ces notions-là sont un peu plus floues en freestyle, mais elles font du bien ! Parfois tu as une prod et tu as juste envie de rapper et de dire tout ce que tu as à dire et de montrer tout ce que tu sais faire et c’est ce qui est cool. Tu prends ton gsm et tu balances tout ce que tu as. C’est ce côté brut du freestyle que je kiffe. C’est plus un défouloir. Je me sens quand même plus à l’aise quand j’écris des chansons parce que dieu merci je n’ai pas envie de me défouler tous les jours (rires). J’essaie d’être de plus en plus posé et je pense que la chanson elle amène beaucoup à la réflexion, c’est-à-dire que dans mon EP, chaque chanson à un thème. Même si plusieurs sujets peuvent s’entremêler, il y a quand même un thème général qui ressort, et c’est ça qui fait que c’est une chanson et pas un freestyle. Ce qui est plus dur à faire quand tu fais une chanson, par exemple avec « Lady », qui est un des titres forts de l’EP, à la base je l’ai écrit avec Némir. Puis on a dû changer le truc, le refaire avec Dany Synthé, etc. Quand tu as un freestyle, ça ne va pas dans autant de formes et de procédés. C’est brut, direct, c’est posé, c’est là, il suffit que d’un iPhone.

Tu parlais d’intru : est-ce que tu as un texte avant de les choisir ou au contraire elle va t’inspirer un texte ?

Je n’écris jamais sans prod. C’est un truc que je fais rarement. J’ai dû le faire qu’une seule fois, sur « Hélicoptère ». C’était que le refrain. J’étais à l’aéroport, j’écris beaucoup quand je voyage, ça m’inspire beaucoup. Maintenant c’est compliqué, mais j’ai de la chance : j’ai un stock de 50 morceaux que j’ai fait avant et pendant le lockdown. Du coup, j’ai assez de matière dieu merci pour le deuxième projet, mais là ça va être chaud ! Il va falloir voyager pour se ressourcer. Mais pour revenir à « Hélicoptère », j’avais écrit le refrain juste en note vocale, ça m’avait inspiré. À la base, il n’allait pas aussi vite et puis justement, on m’a fait jouer une prod, qui m’a fait penser à cet air-là. En plus maintenant, je choisis moins les prods. En freestyle, je vais regarder sur YouTube ou dans mon mail, mais maintenant, c’est assez sur mesure. J’ai la chance de bosser avec des beatmakers avec qui je m’entends bien et avec qui on peut passer plusieurs jours à faire de la musique. On construit dès le début et on fait tout ensemble. C’est ce qui est le plus kiffant.

Dany Synthé, qui est une figure incontournable du rap français, produit ton EP. Comment se fait la connexion avec lui ?

La connexion avec Dany Synthé mec, c’est un truc de ouf ! Moi je suis croyant et cette connexion, elle se fait un soir, on sort du studio. On était à Montreuil avec mon directeur artistique. On doit commander un taxi, il prenait du temps à arriver. Il l’annule et on en commande un deuxième. Il y avait aussi mon ingénieur et un pote à moi. Le chauffeur de taxi nous demande ce qu’on fait à cette heure-là et on lui dit qu’on fait de la musique. Il répond : « Chanmé, est-ce que je peux écouter ? ». On lui fait écouter et là il nous dit : « Hé mais tu sais, moi, je connais Dany Synthé. Si tu veux je peux te mettre en relation avec lui ». Il est 1/2h du matin, le chauffeur il vient nous chercher et je suis sûr qu’il nous mytho un peu ! Après il me dit : « Je suis sérieux ! On se follow sur Insta et je te donnerais des nouvelles ». Dans le doute, je le fais. Je le suis, on parle, et le plus fou, c’est que le lendemain, il m’envoie le numéro de l’oncle de Dany Synthé. Une histoire de fou ! Je le transfère à mon « DA » qui discute avec lui et qui fixe un rendez-vous trois mois à l’avance. On devait être en juin, on s’est rencontré fin août. Finalement, arrive la date fatidique où je dois le rencontrer. À la base, c’était juste une journée où on devait faire des prods. Pour te dire, le jour où on est arrivé devant le studio on ne savait même pas s’il allait être là ! Personne avait eu de contact avec Dany Synthé donc on ne savait pas s’il allait être là. Finalement, il est arrivé, à l’heure, trop gentil, c’était archicool. Il est arrivé, il m’a demandé « va y, fais-moi écouter ce que tu fais parce que je ne te connais pas ». Coup de pression ! Je lui fais écouter tous les sons, toutes les maquettes, pas les 50 morceaux dont je te parlais, mais les plus forts. Je pense qu’il a kiffé, qu’il a pris une petite claque, et il nous a dit « putain, c’est chanmé, il y a un truc à faire. Il manque juste un peu de cohérence entre les morceaux ». Et c’est ce qu’il a apporté avec son boulot de réal. Il s’est proposé pour faire la réalisation du projet et voilà. Ça part d’un chauffeur de taxi !

Tu te rends compte que tu travailles avec lui ?

Oui, de ouf ! Quand je lui faisais écouter les sons, je tremblais ! J’avais chaud, j’avais peur (rires). J’ai travaillé avec plein d’autres producteurs sur le projet, avec qui on a fait les prods. On a pu encore plus tout peaufiner avec Dany Synthé, et ça, c’était vraiment quelque chose de cool. C’est comme si j’avais fait plein de premiers dessins et puis j’ai pu tout remettre au propre.

Comment as-tu vécu le confinement lié à la crise sanitaire du Covid ?

Comme tout le monde, j’en ai marre ! J’en ai ma claque, là ça devient trop. Mais je t’avoue qu’au début, le premier confinement, je l’ai assez bien vécu. C’était vraiment une pause dans la vie de tout le monde. C’est quelque chose d’unique, c’est jamais arrivé, tout le monde a mis sa vie sur pause. C’était un truc de ouf ! Je me rappelle que, tout en respectant les mesures sanitaires mises en place, on allait faire du vélo avec des potes parce que c’était la seule chose qu’on pouvait faire en fait. Ça, je l’ai assez bien vécu, mais je t’avoue que maintenant, moi la scène c’est un truc qui me donne envie, qui me fait kiffer du peu que j’ai pu en faire. J’en ai envie, je trouve que c’est la célébration un peu. C’est rencontrer les gens. Je reçois pas mal de messages sur Instagram de gens qui viennent de Lyon, de Tour, de la Réunion, d’un peu partout. Ça serait kiffant de pouvoir les rencontrer et de pouvoir jouer les morceaux sur scène avec eux. Ça me chagrine un peu qu’on n’est pas l’occasion de le faire actuellement avec ce projet.

Tu dis que tu as une cinquantaine de morceaux en stock. À quoi peut-on s’attendre pour la suite ?

Du lourd ! On peut s’attendre qu’à du lourd.

Et moi, que puis-je te souhaiter pour la suite de ta carrière ?

Des concerts, des festivals, du live ! De bons retours sur les morceaux aussi. Que les gens écoutent le projet, c’est le plus important. On a bien bossé dessus, et avec toute l’équipe, on est super-content du résultat. On a eu des galères mais au final, l’EP est bon, il est là, et j’ai hâte que les gens aillent l’écouter.