«*Saluton, kara leganto. Eble carmos vin, scii per la legado de tiu ci artikolo, ke Le Figaro ekuzas Esperanton? Okaze de la 100-a morto-datreveno de la iniciatoro, nia gazeto ciuokaze estas felica festi kun vi la datrevenon.» Bonjour cher lecteur. Peut-être seras-tu charmé d'apprendre que Le Figaro s'est mis à l'espéranto en lisant cet article? À l'occasion du centenaire de la mort de son créateur, notre journal est en tous les cas heureux de fêter avec toi, son anniversaire.
Hier, dialecte local, l'espéranto est aujourd'hui un langage mondial. Malgré son manque de considération en France encore un siècle après sa création, le langage du docteur Zamenhof demeure bien vivant et résonne dans 120 pays. De la Russie au Brésil en passant par l'Europe ou l'Asie, son idiome a fait du chemin et connaît même depuis ces dernières années une nouvelle jeunesse, grâce aux technologies. Face à cet essor, Florence Robine, la n°2 du ministère de l'Éducation nationale s'est d'ailleurs dite dans une lettre datée du lundi 12 avril, favorable à la rencontre de directeurs d'école «souhaitant proposer à leurs élèves une démarche expérimentale intégrant l'enseignement de l'espéranto».
«Celui qui espère»
Il est vrai que l'espéranto a de quoi séduire. «Facile», «pratique», «humaniste» selon les mots de ses locuteurs, l'idiome imaginé par Ludwik Zamenhof à la fin du XIXe siècle est une langue d'avenir. Ou du moins, «d'espoir». «L'espéranto» est en réalité un langage «humaniste». L'idiome nous précise le responsable de l'association Espéranto Strasbourg, Bruno Flochon, n'a «aucune vocation à supplanter des langues ou à rentrer dans une logique de domination comme l'anglais le fit sur le plan économique».
À l'origine, l'espéranto, c'est la langue de «celui qui espère». Né en 1859 dans la communauté multinationale de la ville polonaise de Bialystok -cité qui connut aux heures sombres du XIXe siècle de vives tensions ethniques- au carrefour de boutiques polonaises, allemandes ou encore juives, le petit Zamenhof se sent très tôt investi d'une mission de créer une langue universelle. Un idiome sans racines politiques, économiques ou historiques. En un mot: pacifique.
Un peu plus d'un million de locuteurs
Babel trotte dans sa tête. Après des études de médecine passées entre Moscou et Varsovie, le jeune médecin publie son fameux manuel en russe intitulé La langue internationale en 1887. Un premier recueil signé sous le pseudonyme de Doktoro Esperanto, «celui espère». Le succès est sans précédent -la même année, nous apprend l'UNESCO, son ouvrage est traduit en quatre langues: le polonais, l'anglais, l'allemand et le français- et ne décroît pas.
En 1905, se souvient Le Figaro, le premier congrès mondial à Boulogne-sur-Mer attire quelque 700 personnes provenant de vingt pays. L'espéranto au début du siècle compte «plus de trente mille personnes». Un chiffre qui s'élèvera à «environ 800 000», dans «trente-neuf pays» ajoutera en 1922 notre journaliste Charles Touzot.
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Si ces détracteurs mettront en doute l'utilité et la durabilité du «désespéranto», après la mort de son créateur en 1917, le XXIe siècle leur donnera néanmoins tort. S'il est difficile d'évaluer le nombre de ses locuteurs, on estimerait «qu'entre un million et un million et demi» pratiquerait l'espéranto à travers le monde selon Bernard Osser de l'AFP. «En France, on considère qu'il y a 2000 nouveaux locuteurs par an», nous indique Bruno Flochon. «Certains l'usent de façon indépendante ou le soutiennent ponctuellement, d'autres le parlent quotidiennement et enfin, d'autres l'abandonnent.»
Et les profils sont très éclectiques. Ne croyons pas un seul instant que ses locuteurs soient tous des nonagénaires. «Depuis Internet, l'espéranto connaît un regain de popularité», nous confie Didier Loison, vice-président de l'Association Espéranto France. «Les groupes fleurissent partout sur les réseaux sociaux.» Jeunes, vieux, «boulimiques de langues» ou simples curieux séduits par l'idée d'une langue «pratique» et «non idéologique», précise Bruno Flochon, il n'y a pas un individu type. L'objectif justement c'est de dépasser sa propre culture, aller au devant des autres. Rencontrer autrui.
«On est sur un pied d'égalité quand on l'apprend», nous confirme Quentin, 21 ans, étudiant en informatique. «La langue permet de rencontrer beaucoup de gens. Quand on la parle, on change chacun de langue. L'espéranto n'a donc pas vocation à s'imposer. Elle facilite l'échange.» Faciliter la vie de ses locuteurs, c'est également le projet qu'avait en tête son créateur et pédagogue Ludwik Zamenhof.
«En quinze jours, on comprend les bases grammaticales. En un mois, on commence à le parler», explique Bruno Flochon. «La fin des mots nous indique si c'est un nom, un adverbe, un verbe. L'espéranto est vraiment une langue simple et accessible.», ajoute Didier Loison. Et pour cause! 70% de ses racines sont latines, ce qui rend donc ces constructions quasi transparentes pour les francophones.
Un premier examen blanc du baccalauréat en espéranto
Pas étonnant donc que la «langue humaniste» séduise les Français, qui ont toujours eu du mal à apprendre une seconde langue à l'école. Alors pourquoi ne pas en faire une langue d'enseignement? C'est la question que s'est posé Alexandre André, professeur de mathématiques au lycée Charles de Gaulle de Chaumont dans la Haute-Marne, qui a créé en 2015 un club d'espéranto. «Depuis le début de cette année, 60 élèves ont participé à mes accompagnements personnalisés.» De bons résultats, qui l'ont d'ailleurs poussé en juin 2016, à organiser avec l'Association Espéranto-France un examen blanc du baccalauréat. Une première en France!
Alors qu'est-ce qui fait barrage? L'éducation nationale. Contacté par Le Figaro, le Ministère nous explique que «l'enseignement de l'espéranto, au titre des enseignements obligatoires de langues vivantes, n'existe ni dans le 1er degré, ni dans le 2nd degré du système éducatif français» et que partant de ce postulat «l'espéranto est donc considéré, à l'instar de nombreuses autres langues, comme une langue vivante non enseignée.» Et de préciser: «Notre système éducatif dispense un enseignement de langues vivantes étrangères et régionales varié, garant du plurilinguisme et de la diversité culturelle sur le territoire. Actuellement, 59 langues vivantes sont déjà proposées aux candidats à l'examen du baccalauréat.» Une de plus, comprenons-nous, sera donc de trop.
Donner goût aux autres langues
Des arguments incompréhensibles pour Bruno Flochon. «Il n'est pas question d'imposer la langue au baccalauréat mais de donner la chance aux élèves d'accéder à l'espéranto. Je pense qu'il serait utile qu'elle soit enseignée comme première ouverture vers le monde, première langue étrangère, pour donner goût aux langues et montrer qu'il est possible et facile d'apprendre un autre idiome.»
Alexandre André incarne cette brèche dans «le mur de verre» de l'éducation nationale. Aujourd'hui, l'espéranto s'est diffusé dans quelques établissements en France: à «Aix, Lyon ou encore Strasbourg». Il existe un mouvement bien vivant dans les couloirs de nos écoles. «Et il serait temps de l'entendre», conclut Bruno Flochon. Dans ce contexte la lettre émanant de Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire vient comme un cadeau d'anniversaire.
*Traduction de Alexandre André.