Les douleurs mammaires ou mastodynies

Validation médicale :27 juin 2014Dr Jesus CardenasAllergologue

La mastodynie est la douleur mammaire uni ou bilatérale. C'est un symptôme fréquent, mais qu'il convient de considérer avec sérieux, et de traiter systématiquement : il s'agit souvent de la manifestation clinique d'un déséquilibre estroprogestatif, dont le traitement est nécessaire, à court terme pour soulager la patiente, et à plus long terme pour éviter ou retarder le développement d'une mastopathie bénigne, dont on pense actuellement qu'elle constitue un facteur de risque du cancer du sein.

  1. Douleurs mammaires : rappel physiologique
  2. Les variations au cours du cycle menstruel
  3. Diagnostic de la mastodynie
  4. La mastodynie isolée de la jeune fille
  5. La mastodynie sur mastose de la femme de la quarantaine
  6. Un cas particulier: mastodynie et contraception hormonale

Douleurs mammaires : rappel physiologique

Sur le plan histologique, le sein est constitué par trois compartiments : épithélial (canaux galactophores et acini, avec les éléments myoépithéliaux), conjonctif (tissu de soutien) et adipeux. Le rapport entre ces différents tissus varie selon la constitution individuelle, l'âge et l'état physiologique.

Sur le plan physiologique, la vie du sein est étroitement sous dépendance hormonale.

Les estrogènes ont deux effets principaux :

La progestérone a pour action principale de moduler ou d'inhiber les effets des estrogènes :

D'autres hormones sont impliquées dans la physiologie mammaire même si leur rôle exact est encore mal compris; c'est notamment le cas de l'insuline, du cortisol, de l'hormone de croissance et des hormones thyroïdiennes.

L'action mammaire des hormones circulantes est modulée par l'existence de récepteurs, à la fois dans l'épithélium glandulaire mais aussi dans les fibroblastes et le tissu conjonctif, les plus connus étant les récepteurs aux stéroïdes sexuels. La concentration en récepteurs est liée à la richesse cellulaire et se réduit en cas de fibrose ; elle varie également au cours du cycle menstruel, de manière comparable à son évolution au niveau de l'endomètre. La prolactine a un rôle essentiel dans l'acquisition de ces récepteurs hormonaux, ce qui serait susceptible d'expliquer le rôle protecteur de la lactation envers le risque de cancer du sein.

Enfin, il semble exister des mécanismes locaux autocrines et paracrines indépendants et responsables d'une véritable stéroïdogenèse in situ à partir des activités oestrone sulfatasique et aromatasique. Ces mécanismes locaux sont susceptibles de modifier la réponse aux stéroïdes circulants ; on comprend ainsi la diversité des tableaux cliniques réalisés, ainsi que le caractère aléatoire de la réponse thérapeutique aux différentes hormones administrées.

Les variations au cours du cycle menstruel

La stimulation hormonale du sein varie par conséquent au cours du cycle menstruel :

On conçoit donc la possibilité de mastodynie par phénomène congestif, à partir d'un simple déséquilibre hormonal aux dépens de la progestérone : "hyperfolliculinie" relative, ou plutôt insuffisance lutéale du corps jaune en général secondaire elle-même à une perturbation centrale de la sécrétion des gonadotrophines. Il faut savoir que le déséquilibre estroprogestatif peut être discret, ne s'exprimer qu'au niveau tissulaire mammaire et être insaisissable par les dosages de l'estradiol et de la progestérone plasmatiques.

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La répétition de phénomènes cycliques normaux détermine à la longue l'involution fibroadipeuse et la sénescence du sein par diminution progressive du tissu glandulaire. Par contre, la répétition cyclique de phénomènes pathologiques comme un déséquilibre estro-progestatif détermine une sénescence dystrophique qui ouvre la porte aux mastopathies bénignes ou mastoses. Celles-ci sont extrêmement variables et peuvent porter sur les trois compartiments :

Ces quelques notions permettent de comprendre le rôle privilégié de la progestéronothérapie dans le traitement des mastodynies, la prévention des mastopathies et, dans une certaine mesure, la prévention du cancer du sein. Une patiente porteuse d'une mastopathie bénigne a en effet un risque 3 à 4 fois plus élevé qu'une autre de développer un cancer du sein.

Enfin, il ne faut pas méconnaître le rôle d'un terrain psychoexistentiel particulier dans la survenue et l'évolution de cette pathologie mammaire, à tel point que pour certains, il s'agit d'une véritable maladie psychosomatique. Le rôle des événements psycho-affectifs est bien connu, et il est probable que la mastodynie ne fait que refléter au niveau mammaire un déséquilibre estroprogestatif lié à une dysovulation psychogène. Inversement, l'inconfort de la douleur mammaire et un élément de cancérophobie ne manquent pas de retentir à la longue sur le plan psychologique.

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Diagnostic de la mastodynie

Les douleurs mammaires ou mastodynies

Le diagnostic de mastodynie est facile à poser : douleur mammaire uni ou bilatérale, à type de tension ou de brûlure localisée, qui se différencie assez facilement des douleurs pariétales surtout lorsque leur survenue est cyclique, comme c'est en général le cas.

Comme dans la plupart des syndromes subjectifs, le problème est de savoir à partir de quand une tension mammaire prémenstruelle banale devient une mastodynie pathologique qu'il est nécessaire de traiter et de surveiller.

La mastodynie isolée de la jeune fille

Douleur mammaire en général bilatérale, avec des irradiations (dos, face interne du bras) en fonction du développement de la poitrine, survenant en période prémenstruelle et parfois préovulatoire.

L'interrogatoire va à la recherche d'antécédents familiaux, il précise également la régularité des cycles, l'association éventuelle d'autres phénomènes prémenstruels (prise pondérale) et l'existence d'autres phénomènes douloureux génitaux cycliques. L'examen clinique peut être pratiqué à différents moments du cycle pour apprécier la variabilité des phénomènes objectifs ; l'un des examens doit de toute manière se situer en période immédiatement postmenstruelle où le sein est détendu, moins chaud et moins sensible. Il doit comporter les deux temps habituels :

L'examen ne saurait être complet sans l'exploration des creux axillaires et sus-claviculaires.

Traitement

Dans le cas d'une mastodynie isolée, l'examen est strictement normal et il n'existe aucune anomalie cliniquement décelable au niveau des seins. Il s'agit alors de soulager et d'installer une surveillance à plus long terme :

La thérapeutique doit être sous-tendue par une information claire de la patiente, qui doit être rassurée sur la nature de cette douleur cyclique et de son caractère hormonal.

Les thérapeutiques adjuvantes sont toujours bienvenues : antalgiques et anti-inflammatoires légers, vitamine A, veinotoniques, voire diurétiques mineurs en cas de phénomènes oedémateux prémenstruels plus généraux. Les sédatifs et à plus forte raison les psychotropes divers, dont l'utilisation peut paraître judicieuse, compte tenu du terrain, sont plutôt à éviter en raison d'une possible action mammotrope indirecte, même légère (dysovulation ou hypersécrétion de prolactine).

C'est en réalité la thérapeutique par la progestérone qui est la plus indiquée, tant pour ses effets immédiats que pour son rôle préventif du passage à une mastose.

L'application locale de gel de progestérone doit toujours être tentée dans un premier temps, car efficace et sans effet systémique, certaines patientes toutefois sont rebutées par cette pratique à long terme. L'utilisation per os de progestatifs de synthèse proches de la progestérone (rétroprogestérone, démégestone) en deuxième partie de cycle donne également d'excellents résultats et peut être poursuivie sans inconvénient sur de longues périodes même chez les jeunes patientes.

La surveillance doit également s'appuyer sur une information large de la patiente, qui doit examiner elle-même régulièrement ses seins selon des modalités précises qui lui auront été enseignées, et savoir y rechercher des modifications comme l'apparition d'une masse. La surveillance doit également tenir compte de facteurs à haut risque de cancer du sein .

Les principaux facteurs de risque du cancer du sein

Dans ces cas, l'information de la jeune patiente ne doit pas omettre de signaler le rôle "préventif" de la grossesse et de la lactation. Sur le plan pratique, et en dehors de cas particuliers, il semble suffisant de prévoir un examen clinique annuel, voire bisannuel pour une mastodynie isolée. Les dosages hormonaux sont inutiles. En cas de mastodynie isolée de la jeune fille, la mammographie est également inutile (d'autant que les seins sont radiologiquement très denses), sauf lorsqu'elle est réclamée par la patiente, ou qu'il s'agit d'une femme à risque.

Si ce tableau de mastodynie isolée peut disparaître spontanément, à la suite d'une grossesse par exemple, il représente plus fréquemment le mode de début d'une mastopathie réelle, pour aboutir au tableau suivant.

La mastodynie sur mastose de la femme de la quarantaine

La mastodynie reste rythmée par les règles, mais il existe aussi des manifestations plus capricieuses : persistance de la mastodynie pendant plusieurs semaines, ou au contraire disparition de la symptomatologie pendant quelques mois. Cette évolution souvent irrégulière au cours de l'année pousse d'ailleurs à interpréter de façon prudente les résultats d'une thérapeutique. L'examen découvre la présence uni ou bilatérale de noyaux ou de placards irréguliers de mastose, de volume variable dans le temps. L'existence d'adénopathies d'apparence banale n'est pas rare. Un écoulement du mamelon doit toujours être recherché. Cette mastopathie douloureuse est volontiers associée à d'autres manifestations de dysfonctionnement génital : syndrome prémenstruel à dominante oedémateuse ou psychologique, dysménorrhée, algies pelviennes...

Les examens complémentaires sont ici indispensables :

Traitement des mastodynies

La thérapeutique fait encore appel à la progestérone en installant si nécessaire une véritable escalade en cas de résultats insuffisants : progestérone percutanée, puis progestatifs de synthèse proches de la progestérone, et en cas d'échec, PS plus puissants (nor-androstanes). Ces derniers peuvent être administrés à fortes doses au cours des dix derniers jours du cycle. Il est également possible de les prescrire trois semaines sur quatre. Ce type de traitement a un effet contraceptif surajouté, mais peut toutefois entraîner des atrophies de l'endomètre et des prises de poids.

En dehors de la progestéronothérapie, d'autres types de traitement hormonal ont été proposés et constituent un recours dans des situations particulières :

La surveillance

Tout le problème est dominé par la crainte du cancer du sein, pour deux raisons au moins:

Répétons qu'il survient 3 à 4 fois plus souvent sur des seins mastosiques ;

Il est d'autant plus difficilement délectable que les signes premiers de la néoplasie peuvent être confondus ou masqués par les signes cliniques et radiologiques de la mastose.

La surveillance doit comporter :

Mastodynie et mastopathies bénignes disparaissent en règle générale avec le tarissement des sécrétions ovariennes à la ménopause. Cette disparition est souvent précédée d'une aggravation au cours de la pré-ménopause, du fait de l'existence quasi constante à cette époque de la vie génitale d'une insuffisance lutéale avérée, plus ou moins sévère et durable. Il arrive également que la pathologie mammaire persiste et présente encore quelques poussées après l'arrêt définitif des règles; certaines femmes gardent en effet un niveau estrogénique endogène variable mais non négligeable pendant des mois, voire des années, après la ménopause. Quoi qu'il en soit, on préconise actuellement de poursuivre la surveillance d'une mastopathie après la ménopause, dans l'impossibilité où nous sommes encore de savoir si le cancer du sein post-ménopausique survient avec prédilection chez une ancienne mastosique.

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Un cas particulier: mastodynie et contraception hormonale

L'apparition d'une mastodynie sous pilule prouve que le composé en question est responsable d'un déséquilibre estroprogestatif au niveau mammaire pour la patiente considérée ; il ne s'agit pas là d'un argument péremptoire pour faire cesser la contraception hormonale. Par contre, il est indispensable de changer de composé, et le passage à un climat progestatif plus marqué fait en général disparaître la mastodynie. Le maintien d'un composé responsable d'une mastodynie apparaît particulièrement déconseillé, compte tenu des notions physiopathologiques actuelles ; l'expérience montre d'ailleurs que la mastodynie est une des manifestations les plus dissuasives pour les patientes vis-à-vis de la poursuite des estroprogestatifs.

Compte tenu de leur parfaite tolérance sur les autres plans, la mastodynie constitue avec les perturbations du cycle, les effets secondaires les plus notés avec les estro-progestatifs faiblement dosés. Par contre, la contraception par progestatifs microdosés, réalisant une véritable progestéronothérapie continue, pouvait apparaître comme une véritable prévention des mastopathies ; en réalité, du fait d'une inhibition hypothalamo-hypophysaire moins complète, ce type de traitement laisse persister une activité ovarienne estrogénique susceptible d'entraîner un déséquilibre estroprogestatif endogène.

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En résumé, la physiopathologie des mastodynies avec ou sans mastopathie apparaît univoque, et leur thérapeutique est centrée sur la progestérone. Le problème essentiel, chez cette patiente qui redoute le cancer du sein et qui présente en effet un risque supérieur à la moyenne, est sans doute d'acquérir sa collaboration active. On ne répétera jamais assez que la détection clinique précoce est en général le fait de la patiente qui se surveille et s'examine elle-même régulièrement. Le praticien a un rôle capital d'information et de soutien à ce niveau ; c'est également lui qui, conformément à la personnalité de sa patiente, saura au mieux affronter les deux difficultés habituelles: éviter de multiplier inutilement des explorations chez une patiente inquiète, et au contraire, savoir l'amener sans l'inquiéter outre mesure à une exploration complémentaire dont le moment est venu.

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