A 5 ans et demi, Tom était atteint d'une leucémie Avec sa mère, il raconte comment la maladie a impacté toute la famille

Un accident de tourniquet dans la cour de l’école, une commotion cérébrale, deux jours d’hospitalisation, et puis, au fil des semaines, une maman qui s’inquiète de plus en plus parce que son petit garçon, Tom, 5 ans et demi, ne récupère pas. "Il était fatigué, anémié", raconte Julie Marty. Le diagnostic tombe mi-janvier 2014: "Leucémie aiguë lymphoblastique. La pédiatre nous avait déjà pris le rendez-vous à Nice. À notre arrivée, une infirmière attendait Tom devant l’ascenseur, et il y avait déjà son nom sur la porte de sa chambre."

Un choc immense pour sa maman, qui s’attendait à rentrer à la maison avec lui après à une journée d’examens. "Il est allé au bloc direct pour la pose d’un cathéter central. J’ai appelé mon mari. C’était très compliqué pour moi. J’ai perdu une amie d’enfance, avec cette même maladie. J’ai tout de suite posé beaucoup de questions, et un médecin a pris le temps de me répondre, en cernant bien la situation." Commencent de longs mois de traitements. Un temps envisagée, la greffe ne sera pas nécessaire. "Toute la famille a fait des examens, y compris sa petite sœur de deux ans et demi, raconte Julie. C’était un vrai cas de conscience et quelque part, j’ai été soulagée qu’elle ne soit pas compatible."

Après neuf mois de chimio, "on nous a fait confiance et la maison est devenue l’hôpital. Pendant deux ans. Il fallait surveiller la fièvre en permanence et revenir dès la première alerte. On se lavait avant d’aller le voir, mon mari se déshabillait dans l’entrée en rentrant du boulot… Ça a été très dur mais le bénéfice, c’est que notre relation est devenue très forte. Quand il fallait avaler les comprimés - jusqu’à 14! - et qu’il vomissait, Tom me disait: "On va y arriver." On ne se pose pas de questions. On avance jour après jour et on s’enferme dans une bulle de nous. On fait bonne figure."

"Je n’étais pas conscient de la gravité de ma maladie"

Tom, qui a 17 ans aujourd’hui, se souvient de cette période : les soins de nuit qui l’empêchaient de dormir, le bruit des machines qui tournent, le fait de ne pas rentrer souvent à la maison, et certains soins, comme un tube enfoncé dans sa gorge. Mais, dit-il, "je n’étais pas conscient de la gravité de ma maladie. Je savais que j’étais malade, que ça affectait toute la famille, mais c’est plus la lourdeur de la situation au quotidien que sa gravité qui m’a marqué. Il faut trouver le positif là où il est, se focaliser sur une activité. Pour moi c’était [le jeu vidéo qui fait faire des exercices physiques]Wii Fit, comme ça, je pouvais bouger!"

A 5 ans et demi, Tom était atteint d'une leucémie Avec sa mère, il raconte comment la maladie a impacté toute la famille

L’école ne lui a pas vraiment manqué. "Souvent, on faisait les soins par deux. Donc on socialise, même si c’est compliqué quand on est petit. On n’a pas l’habitude d’aller vers les autres." Il se souvient aussi "des clowns, des animations qui permettaient de tromper l’ennui". C’était des bons moments, plus rares que dans le quotidien habituel des enfants. Un quotidien dont il se rend compte que sa petite sœur aussi a été privée, "un peu beaucoup trop!" "Elle avait une compréhension de la situation et je crois que ça l’a traumatisée."

Leur maman confirme. "Romane était une petite fille gentille, un bijou. Mais à l’adolescence, on a découvert qu’elle avait des angoisses, des blocages. Il a fallu une prise en charge pour que les choses rentrent dans l’ordre, confie sa maman. Qu’on le veuille ou non, on porte moins d’attention aux autres enfants, reconnaît Julie. Quand Tom est tombé malade, certains camarades d’école ont développé des angoisses, avec des pipis au lit, des choses comme ça. Alors j’ai tenu un blog, pour donner des nouvelles. C’était trop compliqué d’appeler tout le monde."

Cinq ans après la fin de son traitement, Tom a été déclaré guéri. Entre-temps, un petit frère avait rejoint la famille. "C’était notre projet initial, avant la maladie. Quand on a commencé à voir le bout du tunnel, Tom a réclamé, et on a voulu montrer aux enfants que la vie continuait." Félix est né quelques jours après l’annonce de la guérison, dans des conditions très particulières. "C’était un accouchement programmé pour pouvoir prélever le sang du cordon, qui peut éventuellement servir de greffon en cas de rechute ou de problème dans la fratrie, explique Julie. On n’a pas eu un troisième enfant pour ça, mais on n’a pas voulu gâcher cette opportunité."Au bout du compte, cette démarche a causé une vraie déception."Ce type de greffe peut être envisagé jusqu’à un certain poids de l’enfant. Quand nos trois enfants ont dépassé cette limite et qu’il a été clair que le sang du cordon ne servirait pas pour eux, on a voulu en faire don. Mais ce n’était pas autorisé. Je trouve cela inacceptable."

Un suivi régulier

Aujourd’hui, Tom est toujours suivi régulièrement. "Jusqu’à 40 ans, on surveille sa rétine et les valves de son cœur à cause des potentiels effets secondaires des traitements. Il était trop jeune, mais chez les adolescents, les traitements ont un impact sur la puberté. Les prélèvements pour anticiper une future stérilité sont fréquents", précise Julie. "Le suivi, ce n’est rien comparé aux contraintes de la maladie, dit Tom, qui affirme sans détour qu’il est passé à autre chose. Comme je suis bien suivi, je me sens au contraire plus protégé que d’autres. S’il y avait un jour quelque chose de grave, ça ne passerait pas inaperçu!"

Le jeune homme, qui rêve d’une carrière paramédicale de psychomotricien, participe aussi régulièrement à des études. "L’une d’entre elles étudie le lien possible entre un choc physique et émotionnel (l’accident de tourniquet) et le dysfonctionnement de la production de globules blancs par la moelle. Une autre recherche se focalise sur les facteurs au niveau génétique", détaille Julie Marty. "Si je peux aider, c’est volontiers, complète Tom. Ce n’était pas le pire des cancers, j’ai vu bien pire à l’hôpital." C’est pour cela, dit-il, qu’il ne rechignait pas devant les comprimés à avaler. "Pour moi, le moyen le plus efficace, c’est le meilleur. Tant pis si les comprimés sont trop gros. De toute façon, je n’avais pas le choix. Mais ce serait bien que la recherche se penche sur le sujet pour proposer des choses plus adaptées aux enfants!"