Ce lundi soir, Catherine Deneuve répondait aux questions de Loïc Prigent chez Christie’s sur sa collaboration et son amitié avec Yves Saint Laurent. Les pièces qu’il lui a créées seront mises en vente le 24 janvier.
« J’ai l’impression d’avoir assisté à un moment historique » lui dira, à la fin, une personne du public. Catherine Deneuve éclate de rire. Elle a tenu, tout au long de son interview devant un petit comité (qui allait de Sigourney Weaver à Elie Top..) par le journaliste Loïc Prigent, à rester dans la légèreté.« Ce ne sont que des vêtements, et c’est très léger » lui dira-t-elle même à un moment donné : « Ce ne sont pas des œuvres d’art. Des objets d’art sans doute… ».
La robe qu’elle portait lors de sa rencontre avec Hitchcock
Ce moment historique, donc, se tenait hier soir dans les salons du sous-sol de la maison de ventes Christie’s, 9 avenue Matignon à Paris, qui mettra aux enchères jeudi 24 janvier une très vaste partie de la garde-robe Yves Saint Laurent de Catherine Deneuve. Celle-ci se trouve exposée deux étages au-dessus, des centaines de pièces : des tailleurs de toutes les couleurs, de sandales de satin vert – sa couleur préférée, elle se faisait faire beaucoup de robes vert acidulé chez YSL -, noir, fushia, une salle entière en rose et noir, une salle dans les teintes de blancs, une salle de smokings noirs, une autre de robes du soir, dont sa préférée, un long fourreau en satin noir ornée de deux aigrettes crème (« un peu années trente, ce qui la rend intemporelle »), la robe en perles (« qui pesait au moins vingt kilos ! ») qu’elle portait lors de sa rencontre avec Hitchcock dans un cocktail où elle s’était rendue avec François Truffaut. « Oui, enfin, je ne l’ai rencontré que quelques secondes. Parce que ça a été fixé sur pellicule, on a l’impression que ça a duré des heures… mais non ! »
Avec le sourire, avec une élégante désinvolture, Catherine Deneuve va passer trente minutes à casser le mythe, à tout dédramatiser pour tout ramener, dans un geste salutaire, à la vie. D’entrée, elle précise en riant qu’elle vient directement du tournage de Burger Quizz. Hyper vivante alors que Saint Laurent et Pierre Bergé sont morts, elle s’habille toujours chez Saint Laurent. « Celui d’aujourd’hui (par Anthony Vaccarello – ndla) », en témoigne la veste de smoking qu’elle porte ce soir-là, aux larges revers couverts de paillettes.
Une première robe blanche bordée de rouge
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— a / ava / axe Mon Dec 07 21:43:36 +0000 2020
Entre elle et Yves, tout a commencé quand son mari d’alors, le photographe anglais David Bailey qui régnait sur le Swinging London, à l’affût de jeunes designers intéressants, lui conseille d’aller se faire habiller par le jeune Yves pour sa soirée de présentation à la Reine, aux côtés d’autres actrices dont Julie Christie. Début 1960, Saint Laurent n’a pas encore l’aura qu’il va acquérir. Ce sont ses couturières qui s’occupent alors de la jeune fille, qui débarque avec une photo de la précédente collection (Russe). Sa première robe Saint Laurent sera blanche et bordée de rouge et marquera une collaboration, à l’écran comme à la ville, qui durera jusqu’en 2002 et les adieux du couturier. « Si j’étais la muse de Saint Laurent ? Non ! » Loïc Prigent insiste : « Comment considérez-vous votre rôle chez Saint Laurent ? ». Deneuve : « Mon rôle ? Actrice ! ». Une lueur de malice lui fait friser l’œil et le public rigole avec elle. On comprend pourquoi Saint Laurent deviendra peu à peu l’ami de la femme, et ne cessera d’habiller l’actrice, dès le film Belle de jour de Luis Bunuel. C’est elle qui suggère son nom à Bunuel pour les costumes. « C’était quelle année ? » demande Prigent. Deneuve hésite, elle avouera plus tard ne pas être très douée pour les années. « 1965 ! » souffle Inès de la Fressange assise au premier rang, fuselée dans un costume en velours vert foncé. Yves Saint Laurent a eu le génie d’imaginer une garde robe de bourgeoise stricte, sévère, ultra élégante, pour habiller la jeune héroïne allant se prostituer tous les après-midi, ajoutant ainsi mystère et érotisme au personnage. « On s’habillait alors toutes en mini-jupe » se souvient l’actrice. « Dès lors, en créant des vêtements un peu plus longs, plus stricts, qu’on pourrait encore porter aujourd’hui, cela a rendu le film intemporel ».
Une ambiance familiale
De Belle de jour, elle n’a gardé que le ciré – le reste est à la fondation Yves Saint Laurent. De la Sirène du Mississipi, qu’une capeline et une robe, qu’elle a donnée à un musée. La capeline, elle, se trouve à l’étage. Pas loin, une robe longue en chiffon marron au col bordée d’un boa, qu’elle portait, sublime, lors d’une soirée avec le non moins sublime Marcello Mastroiani. Chaque tenue nécessitait quatre ou cinq essayages, et Deneuve parle avec joie et émotion de la complicité qui l’unissait aux petites mains, aux Premières d’atelier, des petits cocktails dans les studios pour la Sainte-Catherine. « Tout se faisait très spontanément. L’ambiance était familiale »
Loïc Prigent revient plusieurs fois au cours de l’interview sur la fidélité de la star à Saint Laurent. Deneuve finit par craquer : « la fidélité, la fidélité, vous savez, ce n’est pas très intéressant ! » C’est juste qu’Yves Saint Laurent était le créateur qui lui correspondait en tout : « Simple et élégant, un peu strict, et érotique le soir avec des blouses transparentes », un peu comme on dirait : parce que c’était lui, parce que c’était elle. Elle a gardé certaines pièces, dont des smokings. Le reste des vêtements ? Le reste, ça s’est un peu passé comme tout se passe dans la vie : « J’en ai donnés. J’en ai abîmés. J’en ai perdus… ».
Nelly Kaprièlian
Exposition jusqu’au 24 janvier matin (inclus). Début des enchères dès 14h. Christie’s, 9 avenue Matignon, 75008 Paris. www.christies.com