Lors d’une réunion qui s’est tenue à Bruxelles lundi (20 décembre), les ministres de l’Environnement de l’UE ont critiqué la proposition de la Commission européenne concernant la création d’un fonds social pour le climat qui soutiendrait les ménages les plus pauvres pendant la transition énergétique. Leurs motifs sont toutefois très variés.
Le nouveau fonds vise à protéger les consommateurs les plus démunis de l’impact du marché du carbone proposé pour le secteur du transport routier et les combustibles de chauffage. Il devrait entrer en vigueur en 2025, soit un an avant l’entrée en vigueur du nouveau système de tarification du carbone.
Toutefois, si les ministres de l’Environnement européens ont insisté sur la nécessité de protéger les ménages les plus vulnérables, il est clair que la proposition n’est pas acceptable pour eux.
En effet, ils estiment que le fonds prévu est soit trop modeste pour soutenir les ménages les plus vulnérables, soit tout bonnement inutile et qu’il nécessiterait une réouverture peu souhaitable du cadre financier pluriannuel (CFP), le budget européen déjà convenu pour la période 2021-2027.
Les conservateurs fiscaux ripostent
Le fonds social pour le climat a fait grincer des dents, notamment dans les États membres fiscalement conservateurs qui préféreraient protéger les citoyens via d’autres sources de financement, comme les recettes du système d’échange de quotas d’émission (SEQE ou ETS selon l’acronyme anglais), le marché du carbone de l’UE.
Lors de la réunion des ministres européens de l’Environnement, le représentant danois Per Fabricius Andersen s’est demandé si le fonds social pour le climat était réellement nécessaire.
« Le renforcement et l’expansion du système d’échange de quotas d’émission mettront des revenus complémentaires importants à la disposition des États membres, et ces derniers pourront les utiliser pour faire face aux éventuels impacts sociaux. Par conséquent, nous sommes sceptiques quant à la nécessité de créer un nouveau fonds social pour le climat », a-t-il déclaré.
Le ministre suédois Anders Grönvall s’est fait l’écho de cette opinion, estimant qu’il n’y a pas lieu de mettre en place un nouvel instrument budgétaire.
Les ministres se sont également dits préoccupés par la manière dont la Commission européenne prévoit de lancer le fonds. Certains ont prévenu que, afin de s’assurer que l’argent soit disponible avant que le nouveau prix du carbone ne se répercute sur les ménages, l’exécutif européen devra rouvrir le budget septennal déjà négocié.
Dans sa proposition de juillet pour un fonds social pour le climat, la Commission a déclaré qu’elle « proposerait une modification ciblée du règlement relatif au cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 afin de permettre une dépense supplémentaire de l’Union à hauteur de 23,7 milliards d’euros pour la période 2025-2027 ».
La ministre finlandaise de l’Environnement, Terhi Lehtonen, s’est montrée très critique à ce sujet. « Nous sommes préoccupés par la dimension [du fonds social pour le climat] et par la réouverture de l’accord sur le CFP », a-t-elle confié. Elle a ensuite expliqué que, à la place, « tous les États membres pourraient faire un meilleur usage des fonds européens déjà approuvés » sans pour autant rouvrir le CFP.
L’accord sur le budget septennal de l’UE, qualifié d’« historique » par certains lorsqu’il avait été conclu en décembre 2020, est un accord délicat et savamment équilibré, et la Finlande préférerait ne pas rouvrir ce dossier. C’est ce qu’a déclaré une source diplomatique finlandaise à EURACTIV.
La source a également ajouté qu’il y avait déjà suffisamment de fonds européens pour les investissements climatiques prévus dans le budget septennal de 1 800 milliards d’euros et le fonds européen pour la relance.
« Le financement d’une aide au revenu directe pour les ménages via le budget de l’UE n’est pas la bonne solution », a expliqué Terhi Lehtonen à ses collègues ministres. « Nous devons trouver d’autres moyens de faire face aux éventuels impacts sociaux négatifs de l’extension de la tarification du carbone et de l’accélération de la transition », a-t-elle ajouté.
Des moyens plus importants sont nécessaires
Parallèlement, d’autres ministres européens ont critiqué la proposition de fonds social pour le climat pour une tout autre raison. La République tchèque, la Lituanie, Chypre, la Grèce et Malte se sont plaints du fait qu’il n’y a tout simplement pas assez de moyens financiers disponibles pour pouvoir atténuer les effets négatifs de l’imposition d’un prix du carbone dans le secteur des transports et sur les combustibles de chauffage.
« La proposition semble difficile à concrétiser du point de vue de son administration et nous ne sommes pas convaincus qu’elle soit en mesure d’atténuer suffisamment le risque », a déclaré la ministre tchèque de l’Environnement, Anna Hubáčková.
La Pologne est allée encore plus loin en demandant à la Commission européenne de dissocier le fonds social pour le climat du système d’échange de quotas d’émission pour les bâtiments et le transport routier, un système largement critiqué.
La création du fonds social pour le climat « ne devrait pas être subordonnée à la décision finale d’établir un nouveau système d’échange de quotas d’émission pour le secteur des transports et des bâtiments », a expliqué Anna Moskwa, ministre polonaise du Climat et de l’Environnement.
« En raison de la hausse des prix de l’énergie et de la nécessité de lutter contre l’aggravation de la précarité énergétique, le fonds social pour le climat devrait être lancé dans les mois à venir », a-t-elle ajouté.
Cependant, le responsable européen du climat, Frans Timmermans, a insisté sur le fait que les deux propositions sont indissociables.
« Pas de système d’échange de quotas d’émission, pas de fonds social pour le climat, alors nous devrons chercher d’autres moyens d’aider nos citoyens », a-t-il dit aux ministres plus tôt cette année.
Des « ressources propres » pour le budget de l’Union
Des États membres comme la Pologne pourraient être confrontés à un autre problème : le risque de ne pas recevoir d’argent du tout.
Au début de l’année, la Commission européenne a prévenu la Pologne qu’elle perdrait sa part des fonds européens pour la relance si elle ne garantissait pas l’indépendance de son système judiciaire, qui sera chargé de superviser la manière dont ces fonds seront dépensés.
Le conflit autour du fonds social pour le climat est également ancré dans un débat plus large sur les ressources de l’UE et sur une proposition future visant à fournir des sources de revenus directes pour le budget de l’UE, c’est-à-dire des ressources propres.
Les États membres de l’UE se préparent à cette proposition sur les ressources propres qui doit être présentée mercredi 22 décembre, car elle pourrait permettre à la Commission européenne de leur retirer une partie des recettes provenant du système d’échange de quotas d’émission.
En l’absence de la proposition sur les ressources propres ou de l’amendement au budget septennal, les États membres ne savent pas comment l’argent destiné au fonds social pour le climat sera obtenu et comment il s’intégrera dans le cadre plus large du budget de l’Union.
Comme l’a déclaré le ministre letton, Artūrs Toms Plešs, « la divulgation de ces propositions nous donnera la possibilité de finaliser la position de la Lettonie sur la création du fonds social pour le climat et l’extension du SEQE aux bâtiments et au secteur du transport routier ».
Les taxes sur le carbone et les plastiques à la rescousse du budget européen ?
La proposition d’allouer 20 % des revenus issus du commerce du carbone au budget européen, en y ajoutant une nouvelle taxe sur les déchets plastiques, pourrait contribuer à colmater le trou laissé par le départ des Britanniques de l’UE.